La Cellule de renseignement financier a rendu un rapport annuel 2019 sur la lutte contre le blanchiment particulièrement soigné. A quelques mois du contrôle par le Gafi, le pays veut donner une image irréprochable de son dispositif anti-blanchiment.

La Cellule de renseignement financier (CRF), qui est devenue depuis août 2018 une autorité autonome, a rompu avec certaines traditions. A commencer par la date de remise de son bilan annuel. Son rapport d’activité 2019 est tombé début juillet, alors que cet exercice était traditionnellement rendu après la rentrée judiciaire de l’automne.

Les actes disruptifs s’arrêtent pourtant là. Le recul est encore insuffisant depuis son indépendance pour mesurer pleinement le travail des magistrats spécialisés et des analystes (5 spécialistes de l’analyse financière ont été recrutés en 2020) qui recueillent et traitent les déclarations de soupçons de transactions suspectes.

La spécialisation accrue de la CRF a en tout cas permis d’améliorer «le retour d’informations» aux banquiers et autres opérateurs du secteur financier, pour lesquels il est utile de savoir ce qui arrive à leurs déclarations de soupçons après qu’ils les aient faites. Le constat vaut aussi pour les autorités de contrôle, dont la Commission de surveillance du secteur financier, qui déclarent des mouvements suspects, notamment lors de contrôles sur place dans les établissements. Le rapport salue aussi l’augmentation des échanges avec les administrations fiscales, notamment avec l’Administration des Contributions directes, pour traquer la fraude fiscale.

L’angoisse de la liste grise

Le bilan satisfaisant intervient alors que le pays se prépare frénétiquement à un contrôle de l‘efficacité de son dispositif de lutte contre l’argent sale par les experts du Groupe d’action financière contre le blanchiment et le financement du terrorisme (Gafi). La mission aurait dû se tenir à l’automne, mais la crise sanitaire a modifié le planning et reculé la venue des experts ainsi que la publication du rapport à 2021.

Cette mission est une source d’angoisse, un résultat négatif pouvant aboutir au placement de Luxembourg sur une liste grise des territoires non conformes aux règles internationales. Ce fut le cas en 2011 sous le gouvernement de Jean-Claude Juncker.

La CRF salue le nombre élevé de déclarations reçues en matière d’exploitation sexuelle, y compris celle des enfants qui portent notamment sur l’acquisition de matériel pédopornographique»Rapport annuel 2019

Dans les chiffres, l’exercice 2019 s’est traduit par une stabilité du nombre de déclarations (52.374 contre 55.998 en 2018), chiffre qui ne veut d’ailleurs pas dire grand-chose car il recouvre principalement les déclarations des prestataires internet et plateformes de commerce en ligne (48.127 déclarations). Les suspicions concernent principalement des affaires de fraude (33.399 dénonciations), la contrefaçon et le piratage de produits (6.716), la fraude fiscale (1.802 déclarations pour l’essentiel en lien avec la fraude à la TVA).

A noter que 252 déclarations de ces plateformes relevaient de l’exploitation sexuelle, notamment des mineurs. «La CRF salue le nombre élevé de déclarations reçues en matière d’exploitation sexuelle, y compris celle des enfants qui portent notamment sur l’acquisition de matériel pédopornographique», signale le rapport 2019. «Ces déclarations ont permis de faire aboutir des enquêtes pénales menées sur ce type de criminalité, qui se déroule généralement dans un environnement anonyme très fermé», ajoute la CRF.

Les banques toutes catégories sont à l’origine de 2.635 déclarations, dont 585 ont porté sur des infractions fiscales pénales, chiffre en baisse par rapport à 2018 (666 déclarations).

Un record de 231 millions d’euros bloqués

La CRF a par ailleurs enregistré 5 déclarations suspectes se rapportant au Freeport. Les soupçons ont porté sur «des comportements suspects» des clients de la zone franche du Findel ou de bénéficiaires des biens qui y sont entreposés ou ‘en passe de l’être. La cellule n’a toutefois pas été en mesure, mis à part un cas de contrefaçon, de rattacher ces comportements à des infractions primaires précises.

La cellule a bloqué un montant de 231,148 millions d’euros en 2019 contre 87,407 millions un an plus tôt. Les infractions fiscales ont représenté un quart de ce montant, soient 58,267 millions, la fraude 91, 214 millions et la corruption 10,515 millions d’euros.

A compter de septembre 2020, la CRF aura accès au fichier central des comptes bancaires luxembourgeois ainsi que des coffres-forts tenus par les banques, en vertu de la loi du 25 mars 2020.


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