Les portes du conseil d’administration des groupes internationaux cotés en bourse, Arcelor Mittal et Sistema, s’ouvriront en juin à Etienne Schneider. L’ancien vice-premier ministre socialiste n’a pas dû s’affranchir d’un parcours trop laborieux pour retrouver le temps de vivre et une nouvelle fortune.
L’ex-ministre de l’Economie Jeannot Krecké, LSAP, fut son mentor en politique, il est aussi devenu la bonne fée qui l’a adoubé pour sa conversion dans le monde des affaires. Etienne Schneider marche en effet dans les pas de son prédécesseur: à l’issue des assemblées générales ordinaire et extraordinaire d’ArcelorMittal le 13 juin prochain, l’ancien vice-premier ministre et ministre de l’Economie et de la Santé, démissionnaire du gouvernement le 4 février dernier, occupera le poste très convoité d’administrateur du géant mondial de la sidérurgie.
Un mandat qu’il va reprendre des mains de Jeannot Krecké, qui y a renoncé pour raisons personnelles, pour deux ans au moins jusqu’à l’assemblée de mai 2022 et qui devrait lui assurer une rentrée d’argent annuelle de 171.000 euros en plus d’un tremplin pour ses affaires et l’entretien de son réseau dans le monde économique.
Fatigué des allers-retours une fois par mois entre Luxembourg et Moscou, Krecké a également renoncé au profit de Schneider à son siège d’administrateur du conglomérat russe Sistema que dirige son ami personnel et oligarque Vladimir Evtushenkov et qui lui procurait depuis juin 2012 de confortables tantièmes.
Le rapport annuel 2019 de Sistema fait mention d’une rémunération de base d’environ 225.000 euros par an aux membres de son conseil d’administration. C’est un minimum auquel il faut ajouter les suppléments pour siéger dans des comités spécialisés (Krecké préside le comité d’éthique) et les remboursements de frais. L’année dernière, les administrateurs et dirigeants se sont ainsi partagé près de 8 millions d’euros de bonus.
Pas d’écueil majeur au pantouflage
Sur le plan de la déontologie, le passage d’Etienne Schneider vers une entreprise qu’il avait sous sa surveillance n’a pas connu d’écueil majeur. L’ancien ministre de l’Economie échappe à une période de carence de deux ans qui aurait pu compromettre ses plans de carrière si le code de déontologie des membres du gouvernement avait été réformé, comme le Premier ministre prévoit de le faire. La réforme devrait compliquer le pantouflage des anciens ministres.
J’ai quitté la politique en disant que j’allais me réorienter dans le privé et c’est ce que je suis en train de faire… ni plus ni moins»Etienne Schneider, ancien vice-premier ministre
En avril dernier, le comité d’éthique, saisi par Etienne Schneider pour examiner la compatibilité de ses plans de carrière avec le code de déontologie du gouvernement et ses anciennes fonctions, a donné son feu vert au mandat chez le géant sidérurgique.
En janvier, peu avant de quitter son poste, Schneider avait également demandé et obtenu une sorte de quitus du conseil de gouvernement pour prendre le relais de Krecké chez ArcelorMittal. L’exercice ne fut pas une mince affaire pour le vice-Premier ministre sortant et s’apparenta, selon les informations de REPORTER, à un jeu du chat et de la souris entre Xavier Bettel et Etienne Schneider. Preuve des relations ombragées entre les deux partenaires de la coalition bleue, rouge et verte.
Aucune information n’a encore filtré sur les négociations qui ont eu lieu par la suite avec le CEO Lakshmi Mittal, qui a dû donner sa bénédiction à la venue du remplaçant de Jeannot Krecké.
Krecké et Schneider, des parcours similaires
Le deuxième mandat que Schneider va reprendre des mains de Jeannot Krecké concerne Sistema. Dans une communication officielle du 14 mai dernier, le conglomérat russe a annoncé la cooptation d’Etienne Schneider dans le club des administrateurs, décision qui sera soumise à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires le 27 juin prochain. Pour cause de Covid-19, la réunion se fera via téléconférence, tout comme d’ailleurs l’assemblée des actionnaires d’ArcelorMittal.
Nul doute que la voie menant au conseil d’administration du groupe multinational coté à la Bourse de Moscou a été ouverte au jeune retraité de la politique par son mentor Jeannot Krecké. L’exercice n’a pas nécessité de discussions similaires à celles qui ont émaillé le prochain passage de flambeau chez ArcelorMittal.
Selon les informations de REPORTER, Etienne Schneider s’était rendu à Moscou en décembre dernier pour «un voyage privé de prospection» alors que la tentation du pantouflage dans le secteur privé commençait à le hanter et qu’il confiait à ses proches l’imminence d’une démission du gouvernement.
Toujours est-il que l’ouvreur de porte qu’a été Jeannot Krecké ne compte pas céder ses autres mandats d’administrateurs, ni à Etienne Schneider, ni à aucun autre junior d’ailleurs. Celui qui avait démissionné à mi-mandat du gouvernement Juncker en 2012, conserve ainsi la présidence du conseil de la banque East West United Bank, propriété de Sistema où il vient d’être reconduit pour un an. Il continuera de siéger dans le groupe international de transport maritime et fluvial Jan de Nul, qui a ses navires et dragueurs de fonds marins enregistrés sous pavillon luxembourgeois. Pas question non plus pour Krecké d’abandonner ses mandats dans le holding Calzedonia (lingerie et textile) et Novenergia (énergie renouvelable).
La «vie privée» d’Etienne Schneider
Les parcours professionnels de Jeannot Krecké et d’Etienne Schneider sont assez similaires. Les deux hommes sont l’incarnation de la gauche affairiste. Tous deux ont passé huit ans au gouvernement avant d’en claquer la porte pour passer dans le secteur privé. Chacun a constitué une société de conseil économique: Key International Strategy Services sàrl pour Krecké et Beta Aquarii sa pour Schneider. Leurs sièges sont situés boulevard de la Pétrusse, à 500 mètres à vol d’oiseau de distance.
Sollicité par REPORTER, Etienne Schneider n’a pas souhaité s’étendre sur ce qu’il considère relever de sa vie privée: «Je ne veux plus donner des interviews sur ma vie qui est censée être ma vie privée depuis le 4 février», explique-t-il «J’ai quitté la politique en disant que j’allais me réorienter dans le privé et c’est ce que je suis en train de faire…ni plus ni moins», ajoute-t-il.
L’ancien ministre n’a pas voulu dire non plus combien d’autres mandats d’administrateur il était prêt à assumer.
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