Etienne Schneider devrait quitter le gouvernement début février. Le vice-premier ministre prépare sa sortie depuis des mois pour mettre son carnet d’adresses au service du secteur privé. Il vise entre autres un mandat d’administrateur à ArcelorMittal au printemps 2020.

Etienne Schneider se donne encore deux ou trois semaines de réflexion avant de communiquer la date de son départ du gouvernement. D’après des sources proches du ministre, il hésite encore sur la date d’une démission le lundi 3 février 2020, qui correspond à un jour près à son arrivée au gouvernement le 2 février 2012, il y a huit ans.

Toutefois, selon des informations de REPORTER, cette date a bien été évoquée en privé par l’intéressé, mais qu’elle reste conditionnée à la finalisation de certains dossiers dans les deux ministères (Economie et Santé) qu’il occupe.

Au-delà de la question de la date de départ, il y a celle de l’avenir professionnel d’Etienne Schneider et de sa stratégie de sortie. Après une carrière de haut fonctionnaire démarrée en 2004 puis au gouvernement au cours de ces huit dernières années, Etienne Schneider ne cache plus ses ambitions d’occuper des mandats rémunérateurs dans les conseils d’administration de multinationales.

Deux places libres chez ArcelorMittal

Le Vice-Premier ministre a effectué la semaine dernière un voyage à Moscou, qualifié par des proches d’un «voyage privé de prospection». Il ne veut pas se tromper pour devenir au Luxembourg, ce que son camarade Gerhard Schröder est en Allemagne. L’ancien chancelier social-démocrate s’est avantageusement reconverti dans le secteur privé avec notamment des postes dans les conseils d’administration de la société russe Rosneft et de Nordstream, dont le géant russe Gazprom est l’actionnaire principal.

Au Luxembourg, Etienne Schneider est tenté par un mandat dans le conseil d’administration du géant mondial de la sidérurgie ArcelorMittal. Deux postes d’administrateurs vont se libérer au printemps 2020, tous deux occupés par des Luxembourgeois. Toutefois, la reconduction de deux «nationaux» n’a rien d’un automatisme. Le jeu de chaises musicales s’avère même compliqué.

Le mandat de Michel Wurth, président d’ArcelorMittal Luxembourg, s’achève en mai prochain. Il serait candidat à sa propre succession au conseil d’administration du groupe ArcelorMittal et aurait le soutien du principal actionnaire, fait savoir un proche du dossier qui requiert l’anonymat. Contacté par REPORTER au sujet de sa candidature, Michel Wurth a répondu qu’il appartiendra à l’assemblée générale des actionnaires d’en décider. Ce sera le 5 mai prochain.

L’inconnue Jeannot Krecké

Le poste occupé par l’ancien ministre LSAP de l’Economie, Jeannot Krecké, qui est le représentant de l’Etat luxembourgeois, actionnaire du groupe à hauteur de 1,271% du capital, devrait également se libérer au printemps prochain. Reconduit en mai 2019 pour trois ans, Jeannot Krecké n’ira pas jusqu’au bout de son mandat qui lui a rapporté 166.000 dollars en 2018, soit près de 150.000 euros. D’après une source proche du dossier, il aurait d’ailleurs déjà informé de sa décision la direction d’ArcelorMittal et le ministre de tutelle, un certain Etienne Schneider.

La représentation de l’Etat au conseil d’ArcelorMittal est une question qui agite le pays depuis plusieurs années. Le Luxemburger Wort relayait en mars 2016, la «rumeur», jamais confirmée, de la volonté de Lakshmi Mittal de considérer Michel Wurth comme un représentant de l’Etat au conseil d’administration. A l’assemblée générale des actionnaires de mai 2016, Jeannot Krecké a été reconduit sur le ticket de l’Etat luxembourgeois.

Quel que soit le scénario, la candidature d’Etienne Schneider devra avoir le soutien de Lakshmi Mittal, président et CEO d’ArcelorMittal, mais aussi de Xavier Bettel et la bénédiction du conseil de gouvernement. Contacté par REPORTER, Etienne Schneider n’a pas répondu à nos sollicitations.

Questions de déontologie

Le Premier ministre pourra également saisir le comité d’éthique pour s’enquérir de la compatibilité d’un mandat à ArcelorMittal par celui qui en a été le ministre de tutelle pendant 8 ans. Etienne Schneider ne sera probablement pas concerné par le nouveau code de déontologie que le gouvernement veut se donner, sous la pression du Conseil de l’Europe, au sujet du pantouflage des anciens ministres dans le secteur privé. D’après un article du Lëtzebuerger Land, les règles d’une période dite de «cooling off» vont être durcies.

Le code de déontologie actuel, en vigueur depuis 2014, autorise un membre du gouvernement à exercer après son mandat une activité professionnelle privée. Il note cependant que «pendant les 2 ans qui suivent la fin de leur mandat, il est interdit aux anciens membres du Gouvernement d’utiliser ou de divulguer des informations non accessibles au public obtenues lors de leur fonction ou de donner à leurs clients, leur entreprise, leurs associés en affaires ou leur employeur des conseils fondés sur ces informations et d’en tirer ainsi un avantage.»