Marc Ambroisien n’a pas convaincu la justice d’annuler la dette fiscale d’une société de Khadem Al Qubaisi, l’homme par qui le scandale 1MDB est arrivé. L’ancien banquier de Rothschild n’a pas pu démontrer qu’une enquête pénale rendait les paiements impossibles. Il fait appel.
L’ardoise d’impôts laissée par «Eagle Advisory» (EA), en faillite depuis décembre 2016, sera à la charge de l’ex-directeur général de la Banque privée «Edmond de Rothschild Europe» qui en a été le gérant unique avant de démissionner lorsque les ennuis ont commencé à s’abattre sur l’un des plus sulfureux clients de la célèbre banque.
L’Administration des contributions directes (ACD) a fait jouer la responsabilité personnelle de Marc Ambroisien pour réclamer quelques mois d’impôts sur salaires impayés de l’unique employé d’EA.
Cette société était le «family office» de l’hommes d’affaires d’Abou Dhabi Khadem al Qubaisi (KAQ), sorte de conciergerie gérant sa fortune personnelle ainsi que son intendance. EA avait recruté un salarié localement pour se donner de la consistance et ne pas apparaître comme une simple boîte aux lettres au Luxembourg. Lorsque les premières accusations de corruption et d’escroquerie tombent fin 2015 dans le cadre de l’affaire du fonds souverain malaisien «1MDB», c’est la débandade chez Edmond de Rothschild. Les commissions rogatoires internationales sont envoyées au Luxembourg et la Cellule de renseignement financier du Parquet traque l’argent de KAQ sur la place. Les fonds en lien de près ou de loin avec le fonds 1MDB sont gelés, ce qui a une répercussion sur le family office.
Family office en déshérence
Marc Ambroisien n’est plus alors en odeur de sainteté à la banque, qui sera lourdement sanctionnée pour son implication dans l’affaire 1MDB. Le banquier français deviendra lui-même vite persona non grata de la place financière et paiera lui aussi un lourd tribut. Le 22 février 2016, il démissionne de son mandat de gérant de EA. Toutefois, sa démission ne sera actée au Registre de commerce et des sociétés que fin avril 2016. La Rothschild laisse choir le family office jusqu’à sa faillite sur assignation (des impôts) en décembre 2016.
Au printemps 2016, Ambroisien est rattrapé par l’administration fiscale qui réclame 42.000 euros de retenue sur salaires entre janvier et mars 2016. Une procédure d’appel en garantie est lancée pour inexécution fautive envers le fisc luxembourgeois. Ambroisien, en sa qualité de gérant de EA, aurait dû veiller à ce que les impôts soient payés.
L’ex banquier, qui entre-temps a été limogé de la Rothschild, conteste tout comportement fautif, refuse de payer et renvoie la responsabilité à son employeur qui aurait exigé, à la création d’EA, de son directeur général qu’il endosse les fonctions de gérant d’EA pour bien soigner l’homme d’affaires émirati lorsque ce dernier était encore fréquentable.
Ambroisien saisit le tribunal administratif pour faire annuler la procédure d’appel en garantie. Il fait valoir qu’il était dans l’impossibilité d’effectuer le moindre virement pour le compte d’EA début 2016 en raison des mesures de blocage des comptes de KAQ et des enquêtes pénales frappant le client.
Sauf que l’enquête pour blanchiment ouverte à Luxembourg à l’encontre de la Banque Rothschild notamment est frappée par le secret de l’instruction – toujours en cours depuis 2017. Ambroisien, qui a été entendu par les policiers mais n’a pas été, à ce stade de la procédure, inculpé, n’a pas d’accès au dossier pour apporter les gages de sa bonne foi.
Décision très décevante
Les avocats du banquier avaient audacieusement suggéré aux juges administratifs de se faire communiquer par le cabinet d’instruction une copie du dossier répressif, ce qui aurait peut-être permis de dédouaner leur client.
Les juges administratifs ont rejeté la suggestion. Ils ont tranché en première instance le 27 octobre. Ils considèrent qu’Ambroisien «entend échapper à sa responsabilité en faisant état de sa démission et en alléguant une impossibilité de procéder au paiement des retenues litigieuses en raison d’un blocage de comptes à la suite d’une instruction pénale et de saisies pénales (…)».
Le Tribunal le juge «coupable d’une inexécution fautive de ses obligations». Son «manquement consiste (…) dans le fait de ne pas prélever les retenues lors de l’allocation de traitements ou salaires», signale la décision du 27 octobre.
Les magistrats n’ont pas fait droit aux arguments selon lesquels le blocage des comptes rendait les paiements impossibles, faute pour Ambroisien de pouvoir étayer ses assertions par des éléments de preuve concrets: «le tribunal se doit de constater que la réalité d’une telle impossibilité ne se dégage pas à suffisance des éléments du dossier», écrivent-ils.
Contacté par Reporter.lu, Me François Prum, un des avocats de Marc Ambroisien avec Me Lionel Spet, juge «la motivation du Tribunal administratif est extrêmement décevante sur l’influence de la procédure pénale sur l’exécution impossible de virements au profit de l’ACD via le compte bancaire Edmond de Rothschild».
«Le tribunal», explique-t-il, «a notamment passé sous silence la potentielle existence d’un blocage de la cellule de renseignements financiers sur les avoirs en question début 2016, ne s’attachant qu’à une ordonnance de saisie perquisition du juge d’instruction du 4 juillet 2017, seule pièce dont nous pouvions nous prévaloir à ce stade.»
«Ceci revient à nier purement et simplement le secret de l’instruction et la circonstance suivant laquelle Marc Ambroisien n’a pas accès au dossier répressif de sorte qu’exiger cette preuve dans son chef, sans égard pour la demande faite à la barre visant à ce que le juge administratif se fasse seul communiquer ou se voit donner accès au dossier répressif par le cabinet d’instruction», ajoute François Prum.
Son client va faire appel de la décision devant la Cour administrative.
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