Le fisc réclame des impayés d’impôts à «Sandstone». Les démarches de l’administration sont restées infructueuses. La société d’intelligence économique de Frank Schneider, ex-agent du SREL, a été assignée en faillite. La décision est contestée.
La firme d’intelligence économique «Sandstone» a été déclarée en faillite à la veille du réveillon de Noël, à la demande de l’administration fiscale. La société de Frank Schneider, l’ex-espion le plus célèbre du Luxembourg, était depuis janvier 2022 en liquidation volontaire suite à ses déboires judiciaires dans l’affaire «Onecoin», du nom d’une escroquerie présumée aux cryptomonnaies.
Avec la mise en faillite, la procédure ne laissera plus de marge de manœuvre à Frank Schneider, qui s’était octroyé les pouvoirs de liquidateur de la société qu’il avait fondée en 2008, après son départ du Service de renseignement de l’Etat luxembourgeois (SREL). Il perd donc toute influence sur le destin de l’entreprise. Le seul maître à bord est désormais un avocat à la cour. La mission – d’ordre public – de curatelle de Sandstone a été confiée à Stéphane Sunnen (étude Rodesch). L’avocat va ainsi pouvoir se pencher sur la comptabilité de la société et examiner la pertinence et la régularité de certaines dépenses.
La faillite est intervenue à la demande du préposé du bureau de recette des Contributions de Luxembourg. Selon le jugement que Reporter.lu a consulté, le fisc réclamait des impayés d’impôts (impôts sur les salaires, sur le revenu des capitaux et sur la fortune) entre 2017 et 2021 pour un montant total de 28.061 euros. Le montant le plus important portait sur l’impôt sur les salaires de 2017: 23.961 euros.
Parti sans laisser d’adresse
Les contraintes dressées en novembre 2020 puis en avril 2022 par le bureau de recettes afin de récupérer son dû sont restées infructueuses. Les commandements de payer ainsi qu’une sommation à tiers détenteur, c’est-à-dire à l’un des banquiers de Sandstone, la BCEE, ont également échoué.
En octobre 2022, l’administration passe à la vitesse supérieure en vue d’une assignation en faillite, mandatant un huissier de justice pour signifier et officialiser le lancement de cette procédure au siège social de Sandstone. L’huissier revient toutefois bredouille de sa mission: «Je n’ai pas trouvé de boîte-aux-lettres, ni de sonnette, ni d’enseigne reprenant la dénomination sociale de la partie assignée. Une personne rencontrée sur les lieux m’a déclaré que la partie assignée aurait quitté les lieux sans laisser d’adresse», explique-t-il dans un procès-verbal.
Le 19 octobre, toutes les formalités ayant été accomplies, l’assignation en faillite est introduite par le préposé. L’audience intervient le 9 décembre. Sandstone n’est pas représenté dans la procédure et a donc été jugée par défaut. Assigné à sa résidence en Meurthe-et-Moselle en attendant la procédure d’extradition aux Etats-Unis qui le vise, Frank Schneider ne pouvait matériellement pas se présenter à l’audience en sa qualité de liquidateur volontaire, mais sa société aurait pu se faire représenter par un avocat.
Contacté par Reporter.lu, Frank Schneider affirme que les dettes fiscales seront réglées, à la suite de quoi son avocat entamera les démarches pour faire annuler le jugement de faillite de la société d’intelligence économique. De facto, et si la démarche aboutit, Sandstone serait replacée en liquidation volontaire sous le contrôle de Frank Schneider.
Un bilan qui interpelle
Le rapport annuel 2021 de Sandstone documente un résultat de 905.105 euros mais un chiffre d’affaires de 182.000 euros, pour des prestations réalisées principalement hors de l’Union européenne. Le bilan ne renseigne pas les rentrées de fonds ayant permis la réalisation de ce résultat positif de plus de 900.000 euros. La société montrait fin 2021 une dette de 1,424 million d’euros sur l’origine de laquelle le rapport annuel reste muet.
A sa constitution en 2008, Sandstone avait bénéficié d’un prêt de 1 million d’euros de la banque publique SNCI. En 2017, la société de Frank Schneider et une entité à Dubaï lui appartenant, «Morningside Project Management Services», avaient annoncé leur intention de rembourser ce prêt qui, avec les intérêts, s’élevait alors à 1,256 millions euros. Toutefois, compte tenu de l’origine problématique des fonds en lien avec la fraude Onecoin, on ignore si la SNCI avait accepté le remboursement promis par Frank Schneider. Contactés par Reporter.lu, les dirigeants de la SNCI n’avaient pas répondu aux sollicitations de la rédaction.
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