La décision de l’archevêque Jean-Claude Hollerich d’autoriser l’implantation du séminaire Redemptoris Mater au Luxembourg n’est pas encore digérée au sein du diocèse. Les membres du Chemin néo-catéchuménal, dont émane ce séminaire, sont suspectés de vouloir un retour à l’ordre moral, de vivre en vase clos et de ne guère s’investir dans le secteur social.

«Pour les traditionnalistes, nous sommes libéraux. Pour les libéraux, nous sommes conservateurs. En fin de compte nous sommes différents», nous explique le père Piotr Sass lors d’un déjeuner avec la communauté néo-catéchuménale au Centre Jean XXIII de Luxembourg. Quelques semaines plus tard, nous le verrons sur le parvis de la cathédrale de Luxembourg, guitare à la main, en train de danser avec une ronde de fidèles. S’ils vivent en communauté, le rôle missionnaire est primordial pour ses membres. Un peu comme les Témoins de Jéhovah, ils ne voient pas de problème à sortir dans la rue pour partager leur vision de l’Évangile avec ceux qui souhaitent l’entendre. «C’est ce qu’ont fait les premiers chrétiens», souligne le recteur du séminaire Redemptoris Mater, le père David Rodriguez.

Les membres du Séminaire Redemptoris Mater mettent l’ambiance sur le parvis de la cathédrale. (Photo: Marie-Laure Rolland)

Les mouvements de nouvelle évangélisation qui ont émergé depuis les années 60 sont vus avec une certaine suspicion par les ordres ou institutions déjà en place. Ces nouvelles émanations vont-elles détourner de leur périmètre des fidèles dont le nombre se réduit? Ouvrent-elles au contraire l’éventail de l’offre spirituelle dans une société qui se sécularise? Peuvent-elles éviter le sectarisme? Chacun a son avis, plutôt méfiant, sur la question. Toujours est-il que ces nouvelles communautés ont le vent en poupe.

Ainsi, le Luxembourg dispose depuis 2017 de  deux institutions de formation des futurs prêtres dirigés par deux responsables différents et gérés parallèlement. D’un côté le Grand Séminaire de Luxembourg. De l’autre, le  séminaire Redemptoris Mater. A priori, il n’y a guère de différence entre les deux. Un communiqué que l’on peut lire sur le site de l’archevêché précise que «les  séminaires Redemptoris Mater ne sont pas des séminaires du Chemin Néocatéchuménal, mais conformément à leurs statuts et à leur règle de vie, ils sont de véritables séminaires diocésains, qui dépendent de l’Évêque. Ils reçoivent la même formation théologique et pastorale que les autres séminaristes».

En lisant cette affirmation, on peut se demander pourquoi tous les séminaristes ne sont pas regroupés, ce qui éviterait aux Luxembourgeois d’être envoyés en France ou en Allemagne pour suivre leur formation, au motif qu’ils ne sont pas assez nombreux. Nous souhaitions poser la question à l’archevêque Jean-Claude Hollerich mais celui-ci n’était pas disponible.

Le président du Grand Séminaire de Luxembourg, Patrick Muller, s’est pour sa part refusé à tout commentaire sur la création du séminaire Redemptoris Mater. «Je ne m’occupe pas de leur formation mais l’archevêque nous a demandé de faire des activités communes», s’est-il borné à dire.

Vincent de Smet et Yves Olinger, ordonnés respectivement diacre et prêtre pendant l’Octave, sont issus du Grand Séminaire de Luxembourg et ont été formés à l’étranger. (Photo: Cathol.lu)

Back to basics

Le Chemin Néo-catéchuménal a été créé il y a 50 ans en Espagne par deux laïcs, l’artiste Francisco «Kiko» Argüello et la chimiste Carmen Hernández. Tous deux se sont rencontrés dans un bidonville de Madrid. Il seront rejoints par un prêtre italien, le père Mario Pezzi.  C’était après Vatican II mais au pays de Franco. Il aura fallu un long chemin et plusieurs recadrages pour que ses statuts soient approuvés par le Vatican de façon définitive en 2008, sous le pontificat de Jean-Paul II.

Ce mouvement est considéré comme une école de vie chrétienne catholique qui propose aux membres de sa communauté de se former tout au long de leur vie.  «Dans l’Église primitive, quand le monde était païen, si un homme voulait devenir chrétien, il devait suivre un ‘catéchuménat’, qui était un itinéraire de formation pour se préparer au Baptême. Le processus actuel de sécularisation a conduit beaucoup de gens à abandonner la Foi et l’Église. Il faut, par conséquent, ouvrir de nouveau un itinéraire de formation au christianisme », peut-on lire sur la page du Chemin néocatéchuménal.

Au Limpertsberg, des réunions de formation ont lieu deux soirs par semaine. Une messe est célébrée le samedi soir pour la communauté néo-catéchumène par le père Piotr Sass mais elle ne figure pas sur le calendrier des célébrations de l’archevêché de Luxembourg sur cathol.lu. Le père Sass officie aussi pour les célébrations qui suivent la liturgie ordinaire. À terme, comme lui, les séminaristes viendront prendre la relève dans les paroisses du pays en manque de prêtre. Ils seront placés sous l’autorité de l’archevêque, avec pour mission de ramener les fidèles sur le bon «Chemin».


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