La réforme de 2017 a introduit de nouvelles catégories de fraude fiscale: simple, aggravée ou escroquerie. Les fraudes simples ont été dépénalisées. Une nouvelle circulaire détaille les règles à observer par le fisc pour établir les montants des amendes administratives qui les sanctionnent.
Il y a un an, les juges administratifs infligeaient une énième contrariété aux agents de l’Administration des contributions directes dans la lutte contre l’évasion fiscale. Considérant qu’ils n’avaient pas suffisamment valorisé le repentir d’un fraudeur, la juridiction a ramené l’amende qui lui avait été infligée de 12.500 euros à 10.000 euros. Même réduit, ce montant, aux yeux des juges, garantissait l’effet dissuasif que la réforme fiscale de 2017 avait introduit pour traquer l’argent gris et mettre les contribuables récalcitrants au pas.
La jurisprudence administrative autour de la loi du 23 décembre 2016 ayant mis en œuvre cette réforme est assez pauvre. Les petits fraudeurs épinglés par le fisc sont rarement assez téméraires pour demander un arbitrage devant les juges, la procédure administrative les exposant dès lors publiquement, même si les décisions des cours et tribunaux restent anonymisées.
116 micro amendes
La plupart des contestations concernent l’échange international d’informations fiscales dont le dispositif est ancré dans la loi du 25 novembre 2014. Le rapport annuel 2020 des l’ACD mentionne à ce propos 116 amendes infligées aux contrevenants des règles de l’échange automatique, pour un montant de 197.175 euros. Un montant d’ailleurs peu élevé par rapport aux peines fixées par la loi.
Aucune règle générale, ni exception particulière ne peut être établie en rapport avec la fixation d’une amende puisqu’une telle fixation constitue toujours une décision discrétionnaire»Pascale Toussing, directrice de l’ACD
Le rapport 2020 est en revanche totalement muet sur le nombre et les montants des amendes administratives auxquels les agents du fisc ont procédé pour des déclarations fiscales incomplètes, des fraudes fiscales simples ou des fraudes fiscales involontaires. Une taxinomie introduite par la réforme 2017 du ministre des Finances Pierre Gramegna (DP). Le dispositif a permis la dépénalisation des comportements fautifs les moins graves des contribuables. Il a également renforcé le pouvoir de l’ACD de prononcer des sanctions administratives à l’encontre des contrevenants.
Avant la réforme, les contributions disposaient d’un petit arsenal pour les sanctionner, notamment pour les remises trop tardives des déclarations d’impôts, mais l’application du dispositif était si compliqué que ses agents y renonçaient souvent. De plus, les juridictions administratives avaient régulièrement rappelé l’administration à l’ordre pour les suppléments de 10% infligés lors de non remise de déclaration. Les juges considéraient le taux de 10%, qui était d’ailleurs intégré à la cote d’impôts, comme bien trop élevé.
Petits oublis, petites fraudes
Des seuils ont été introduits dans la réforme de 2017 pour quantifier l’envergure de la fraude fiscale. Sous la barre des 10.000 euros, l’administration des contributions considère qu’il s’agit de «petites fraudes» qui tombent dans la classification des infractions administratives. Au-dessus du seuil des 10.000 euros et pour autant que certaines conditions soient remplies, le contribuable bascule dans la catégorie de la fraude aggravée qui est, elle, sanctionnable non plus par voie administrative mais par les autorités judiciaires. Ces infractions pénales peuvent valoir un emprisonnement de un mois à trois ans.
Alors que la réforme remonte à quatre ans, l’ACD n’avait jamais livré son mode d’emploi, à croire que le texte de loi se suffisait à lui-même. En vue de la prochaine venue des experts de la mission du Gafi qui doivent vérifier la conformité de l’écosystème luxembourgeois de lutte contre l’argent sale, la direction des contributions a sans doute jugé opportun de rédiger une exégèse de la loi du 23 décembre 2016. Sa directrice Pascale Toussing vient ainsi de produire une circulaire afin «de fixer des lignes de conduite générale à observer lors de la fixation des amendes administratives». Ses agents ne devront avoir ni la main trop lourde ni trop légère et tenir compte des circonstances particulières avant de punir financièrement les fraudeurs.
La circulaire rappelle ainsi qu’une déclaration incomplète ou inexacte peut valoir une amende de 5 à 25% des impôts éludés. Une fraude fiscale simple est passible d’une amende de 10 à 50% des impôts éludés. Ces sanctions administratives concernent aussi les représentants des contribuables, en particulier les conseillers fiscaux.
Equité, opportunité et proportionnalité
Il y a surtout en arrière-plan de cette nouvelle circulaire, la volonté de la direction de l’ACD d’encadrer les différents bureaux des impôts pour éviter les distorsions. Comme le signale Pascale Toussing, «la détermination du montant des amendes administratives constitue une décision discrétionnaire ‘sui generis’». «Toute amende doit être justifiée», précise-t-elle toutefois.
Aussi, la directrice appelle-t-elle ses préposés à «s’adonner à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en équité et en opportunité pour fonder (leur) décision». Elle explique dans le même temps qu’«aucune règle générale, ni exception particulière ne peut être établie en rapport avec la fixation d’une amende puisqu’une telle fixation constitue toujours une décision discrétionnaire». Il y a donc une marge d’appréciation, la loi prévoyant des fourchettes variant de 5 à 50%, selon la nature de la fraude.
Pascale Toussing recommande chaudement à ses agents de veiller à ce que l’amende soit «adaptée aux circonstances», «proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité contributive du contribuable».
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