Le litige opposant RTL TVI à l’ALIA autour des pratiques de parrainage télévisé s’est soldé par une victoire du groupe audiovisuel devant la justice. Pour le régulateur du secteur audiovisuel luxembourgeois, c’est une occasion ratée pour mettre fin à des dérives.
L’indulgence ne paie pas. Voilà la leçon que le régulateur luxembourgeois du secteur audiovisuel (ALIA) peut tirer d’un jugement du 31 janvier dernier du Tribunal administratif contre deux décisions prises en 2016 et 2017 contre les pratiques de parrainage publicitaire de chaînes de RTL Group.
Les chaînes de télévision RTL TVI, Club RTL et Plug RTL avaient quitté en 2006 la Belgique, leur marché de prédilection, pour passer sous licence luxembourgeoise pour fuir la tutelle devenue pesante du CSA belge, l’organe de régulation audiovisuel de ce pays. Les trois chaînes privées, regroupées dans la société de droit luxembourgeois RTL Belux, se plaçaient alors sous l’autorité du régulateur luxembourgeois de l’audiovisuel. Ce fut d’abord le Conseil national des programmes (CNP), doté de peu de pouvoirs, et depuis 2013, l’ALIA.
Régulateur moins regardant
Par cette relocalisation, les chaînes du Groupe RTL espéraient trouver à Luxembourg une sorte de sanctuaire réglementaire audiovisuel et un régulateur moins regardant et plus libertaire qu’en Belgique sur les pratiques publicitaires.
l’ALIA est en aveu d’avoir agi en dehors de toute disposition légale pour adopter les décisions déférées de sorte qu’il y a lieu de les annuler.“Tribunal administratif
Mais le Grand-Duché n’est pas un Far West et les temps sont révolus où les opérateurs venaient y faire ce qui était interdit ailleurs. Après plus de dix ans sous concession luxembourgeoise et des pratiques commerciales à la limite de ce que la règlementation européenne autorise, les relations entre RTL TVI et ses petites sœurs Club RTL et Plug RTL et l’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel se sont brouillées.
L’interprétation très élastique que les chaînes privées se faisaient des limites du temps de publicité à l’antenne fixées par la législation sur les médias électroniques et les communications commerciales leur ont valu un rappel à l’ordre du régulateur. En 2015, RTL TVI s’est autorisé quelques libertés dans des émissions TV pour ménagères de plus de 50 ans.
Marchand de soupe
L’autorité de l’audiovisuel l’a accusé d’avoir fait passer des messages publicitaires pour un marchand de soupe et un fabricant de robots ménagers sous le couvert du parrainage. Le parrainage d’émissions de TV obéit à des règles moins contraignantes que la publicité, notamment en termes de temps d’antenne. Mais il y a des règles à respecter et des exigences de clarté afin de ne pas induire le téléspectateur en erreur. Ces derniers doivent ainsi être en mesure d’identifier un parrainage dans une émission pour ne pas le confondre avec du contenu rédactionnel.
L’ALIA a considéré que RTL TVI avait franchi la ligne rouge, au mépris de la protection du consommateur. Après une enquête sur les pratiques et des heures passées devant le petit écran à traquer les pratiques controversées, le régulateur avait alors pris deux décisions en 2016 puis en 2017. L’autorité luxembourgeoise a considéré que les pratiques des trois chaînes contrevenaient à la règlementation luxembourgeoise applicable en matière de communications commerciales dans l’audiovisuel.
Le régulateur a constaté une violation de la loi, mais il s’est bien gardé de prononcer une sanction contre les chaînes de RTL. Une clémence que le régulateur a justifié «compte tenu de l’absence d’antécédents» des contrevenants. Ce fut une erreur.
Les dirigeants de RTL Belux ont porté l’affaire devant le tribunal administratif, en dénonçant, entre autres arguments juridiques, la partialité avec laquelle l’enquête de l’ALIA avait été menée.
Le 31 janvier dernier, près de quatre mois après les plaidoiries, les juges de la 4e chambre ont rendu une décision assez inattendue. Ils se sont bien gardés de trancher le fond de l’affaire, ce qui aurait permis de cadrer les limites du parrainage commercial et d’en clarifier les règles.
Classer ou sanctionner
Les magistrats ont estimé que l’ALIA avait commis une erreur en ayant renoncé à sanctionner les chaînes de RTL après avoir constaté les violations de la loi de 1991 sur les médias électroniques. Le régulateur est donc victime de son indulgence envers un de ses administrés.
La règlementation ne lui donne pas d’autre choix que de classer l’affaire ou de prononcer une sanction. «Un simple constat d’un manquement sans conséquence quant à une sanction mais néanmoins assorti de recommandation à l’égard (de RTL Belux) n’est prévu par aucune disposition de la loi du 27 juillet 1991», a tranché le tribunal administratif. «Il s’ensuit que l’ALIA est ainsi en aveu d’avoir agi en dehors de toute disposition légale pour adopter les décisions déférées de sorte qu’il y a lieu de les annuler», ont ajouté les juges.
Leur verdict peut faire l’objet d’un appel devant la Cour administrative. Pour l’ALIA, un recours apporterait la démonstration qu’elle n’est pas un «tigre de papier» au service des intérêts d’un grand groupe audiovisuel comme l’était jadis le CNP. Une décision de principe de la justice serait aussi l’occasion de clarifier les pratiques du parrainage d’émissions et de mettre fin à certaines dérives des messages commerciaux à la télévision.
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