Un différend oppose RTL TVI avec le régulateur du secteur audiovisuel luxembourgeois ALIA au sujet de pratiques de parrainages d’émissions de TV. La chaîne ferait de la publicité déguisée pour échapper aux contraintes de la loi.

Le tableau est surprenant: la chaîne RTL TVI, destinée au marché belge francophone, a renoncé en 2006 à sa licence en Belgique en raison de ses relations crispées avec le CSA, l’autorité de régulation de l’audiovisuel dans ce pays. Du coup, elle était passée sous licence luxembourgeoise, espérant un traitement plus complaisant. RTL Belux, une filiale de RTL Group, est créé pour l’exploitation sous concessions luxembourgeoises de RTL-TVI, Club RTL et Plug RTL.

Le basculement d’une juridiction à l’autre se fait encore sous l’empire du Conseil national des programmes (CNP), présenté comme un «tigre de papier» pour surveiller ce qui se passait sur les ondes grand-ducales. En 2013, le CNP cède la place à l’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (ALIA), plus musclée que son ancêtre pour veiller au respect de la règlementation audiovisuelle et sanctionner les dérapages. Des dérapages de RTL TVI, l’ALIA en épingle plusieurs en 2017.

Plus de dix ans après le passage sous pavillon luxembourgeois, les relations entre l’opérateur audiovisuel et son régulateur national sont empreintes de crispation. En témoigne le recours de RTL Belux devant le tribunal administratif pour mettre en cause des décisions de l’ALIA sanctionnant les pratiques commerciales de sa chaîne RTL TVI accusé d’avoir contrevenu à la règlementation luxembourgeoise.

Pour autant, il est difficile de parler de sanction dans cette affaire. Il s’agirait plutôt d’une réprimande.

Préserver l’intégrité des programmes

Le litige porte sur le parrainage controversé, entre autres par une marque de soupe et un fabricant de robots ménagers de plusieurs émissions TV. Sous le couvert du parrainage, la chaîne est accusée d’avoir fait passer des messages publicitaires qui obéissent à des règles moins contraignantes que celles applicables à la publicité conventionnelle.

Les standards ne sont pas les mêmes entre un parrainage d’émission et une publicité. Dans le premier cas, la responsabilité du contenu diffusé incombe à la chaîne. Il y a l’exigence de clarté vis-à-vis des téléspectateurs. Ces derniers doivent pouvoir être en mesure d’identifier à quel moment précis le parraineur intervient dans l’émission. Il faut éviter qu’ils confondent ce qui relève du contenu rédactionnel et ce qui s’apparente à du contenu publicitaire. Il s’agit de ne pas nuire «à l’intégrité des programmes» et d’éviter de tomber dans l’incitation à l’achat, qui est l’apanage de la publicité.

Les contraintes économiques (…) ne sauraient toutefois prévaloir sur la volonté du législateur d’assurer une protection complète et adéquate des consommateurs (…) contre la diffusion excessive de publicité télévisée.“Thierry Hoscheit, président de l’ALIA

La subtilité entre les deux pratiques vient du fait que le parrainage aurait «un objectif commercial, mais non un caractère publicitaire». Dans le cas de la publicité, la responsabilité éditoriale d’une chaîne de TV se limite à veiller à ce que les messages ne contreviennent pas à l’ordre public. Son intervention s’arrête-là.

L’ALIA a reproché à RTL Belux l’absence de ligne rouge clairement établie entre parrainage et publicité.

Moins de contraintes pour le parrainage que pour la pub

Le régulateur est resté insensible aux arguments économiques avancés par l’opérateur pour justifier ses pratiques controversées: «Les contraintes économiques (…) ne sauraient toutefois prévaloir sur la volonté du législateur d’assurer une protection complète et adéquate des consommateurs que sont les téléspectateurs, notamment contre la diffusion excessive de publicité télévisée», indique Thierry Hoscheit, le président de l’ALIA dans sa décision de 2017.

Car l’enjeu est bien financier. Si les plages de publicité autorisées sont limitées, ces contraintes sont inexistantes dans le parrainage. Cette flexibilité a offert à ce format de publicité une croissance à deux chiffres.

RTL Belgique a vu ses revenus reculer en 2018. Ses chaînes sont confrontées à l’arrivée sur le marché belge d’un concurrent de poids, le Français TF1, avec lequel il faut désormais partager le gâteau. Ce contexte tendu explique sans doute pourquoi l’opérateur, qui conteste avoir franchi la ligne rouge, demande un arbitrage des juges administratifs.

Toutefois, la contestation ne porte pas sur des sanctions, puisqu’il n’y en a pas eu. L’ALIA s’était en effet montrée clémente en raison de l’absence d’antécédents de RTL Belux. Les magistrats pourraient se déclarer incompétents à trancher un litige aux enjeux économiques cruciaux pour l’entreprise audiovisuelle.