Frank Schneider va rester encore quelques semaines en détention à Nancy. Le 18 novembre prochain, il pourrait être assigné à résidence et être équipé d’un bracelet électronique en attendant que soit traité son dossier d’extradition vers les Etats-Unis dans le cadre de l’affaire OneCoin.  

Frank Schneider va peut-être retrouver un régime de semi-liberté le 18 novembre prochain, après sept mois de détention à la maison d’arrêt de Nancy. La Chambre d’instruction de Nancy, qui examinait ce jeudi la demande de mise en liberté de l’ancien chef des opérations du Service de renseignement (SRE) luxembourgeois, a demandé au service pénitentiaire d’insertion et de probation une enquête de faisabilité sur une mise sous bracelet électronique à son domicile à Joudreville en Meurthe-et-Moselle. La juridiction se prononcera le 18 novembre prochain.

Frank Schneider, ex-agent du SRE et dirigeant de la firme d’intelligence économique Sandstone, a fait plaider jeudi matin devant la Cour d’appel de Nancy une demande de mise en liberté et de placement sous contrôle judiciaire. «Je ne souhaite pas échapper à la justice, j’ai même hâte de travailler avec la justice aux Etats-Unis, en France et au Luxembourg», a-t-il déclaré devant la présidente Anne Cazales. La juridiction s’est prononcée le même jour à 17.00 heures.

Prêt à affronter la justice US

Frank Schneider a été interpellé près de la frontière luxembourgeoise le 29 avril dernier. Depuis lors, il a été placé sous écrou extraditionnel à la maison d’arrêt de Nancy, dans l’attente de son extradition de plus en plus hypothétique vers les Etats-Unis dans le cadre d’une escroquerie présumée à la cryptomonnaie, OneCoin. Frank Schneider s’oppose à son extradition, jugeant que le système judiciaire américain ne présente pas suffisamment de garanties pour une défense équitable.

Ce risque de fuite (est) facilité par ses compétences professionnelles étendues dans le domaine du renseignement, incluant une parfaite connaissance des techniques policières et ses moyens financiers.“
Parquet général

Selon les documents présentés par la procureure de New York en charge du dossier OneCoin – et relayés jeudi à l’audience -, le dirigeant de Sandstone risque 40 ans de prison outre-Atlantique pour des délits d’escroquerie qui lui vaudraient au grand maximum 10 ans de privation de liberté en France ou même au Luxembourg.

Une procureure de New-York l’a inculpé le 24 septembre 2020, sans débat contradictoire, dans le cadre de l’affaire OneCoin. Elle le considère comme l’un des instigateurs de la fraude, aux côtés de la femme d’affaires d’origine bulgare Ruja Ignatova, introuvable depuis octobre 2017. Un mandat d’arrêt a été émis par les Etats-Unis. La police française a procédé à son interpellation, il y a cinq mois, alors qu’il se rendait à Luxembourg.

Ce jeudi, son principal avocat Emmanuel Marsigny, du barreau de Paris, a plaidé la demande de mise en liberté et son placement sous contrôle judiciaire, considérant que son client présentait toutes les garanties de représentation en France où il dispose d’une maison.

«Frank Schneider ne veut pas fuir la justice, mais il souhaite que la justice lui soit rendue dans des conditions qui soient loyales et équitables», a fait valoir le pénaliste. «Il ne recherche pas l’impunité. Monsieur Schneider n’est pas un voyou, il veut affronter la justice. Il respectera ses obligations», a-t-il ajouté.

Caution à 200.000 euros

Le parquet général s’est opposé à cette requête, considérant au contraire «insuffisantes» les garanties de représentation de Frank Schneider en France et craignant que le ressortissant luxembourgeois veuille échapper aux Américains en se réfugiant notamment au Luxembourg, qui n’extrade qu’à titre exceptionnel ses nationaux. «Ce risque de fuite (est) facilité par ses compétences professionnelles étendues dans le domaine du renseignement, incluant une parfaite connaissance des techniques policières et ses moyens financiers», soulignait le procureur général en avril dernier lorsqu’il a sollicité le placement du prévenu sous écrou extraditionnel.

«Certes, Frank Schneider est présumé innocent, mais les faits présentent une certaine gravité avec une peine de prison importante», a assuré le représentant du ministère public lors de son réquisitoire jeudi matin.

Si je suis en prison à Manhattan avec quatre bonhommes dans ma cellule, je n’aurai aucune base pour me défendre. La justice américaine me fait peur.“Frank Schneider

La défense de Frank Schneider – il s’est entouré de six avocats dont Lydie Lorang et Pol Urbany au Luxembourg – était prête à payer une caution de 200.000 euros pour obtenir sa mise en liberté. Ses avocats ne s’opposaient pas à ce qu’il soit équipé d’un bracelet électronique.

Le fondateur de Sandstone a expliqué vouloir «organiser sa défense» dans l’affaire OneCoin depuis sa maison en France achetée en 1996: «La France pourrait me faire confiance. J’ai bâti une vie en France depuis 25 ans. La France est le pays où j’ai créé ma base, je ne vais pas la quitter. Je me tiendrais à la disposition de la justice française afin de sortir de cette prison qui est dure. Le bruit y est infernal», a-t-il fait valoir. «Si je suis en prison à Manhattan avec quatre bonhommes dans ma cellule, je n’aurai aucune base pour me défendre», a-t-il poursuivi. «La justice américaine me fait peur», a-t-il encore assuré.

Où est Ruja Ignatova?

Le procureur général n’a pas répondu aux critiques de la défense sur le système judiciaire américain pas plus que sur les contradictions du dossier d’extradition présenté par les Américains aux autorités françaises. Frank Schneider a en effet été présenté aux Français comme un fugitif, ce que l’intéressé conteste vigoureusement. «J’étais en contact avec la justice américaine et le contact était cordial», a fait savoir Schneider face aux magistrats.

Au regard des problèmes sérieux que l’affaire Frank Schneider pose, on est partis pour deux ans pour que cette procédure d’extradition soit menée à son terme.“Me Emmanuel Marsigny, avocat de Frank Schneider

Selon sa défense, un rendez-vous avait été fixé en avril 2020 avec le procureur de New-York en charge du dossier OneCoin et un déplacement de Schneider envisagé aux Etats-Unis. Toutefois, pour des raisons de crise sanitaire, la rencontre avait été annulée par les Américains. Schneider avait par ailleurs considéré que son témoignage dans le dossier n’aurait pas été d’une grande utilité. «Tout ce qui intéresse le procureur de la part de Frank Schneider est de savoir où est Ruja Ignatova. Or, il l’ignore», a expliqué Me Marsigny à l’audience.

Aux Etats-Unis toutefois, le procureur en charge du dossier OneCoin a changé. La justice new-yorkaise a musclé sa position vis-à-vis du Luxembourgeois. «Vous n’avez pas à juger les atermoiements du procureur de New-York qui a changé d’avis. Ce qui importe, c’est que Frank Schneider soit à la disposition de la justice américaine conformément aux traités», a assuré le procureur général français.

Arbitrage de la Cour de justice de l’UE

La prochaine étape de l’affaire Schneider va intervenir le 18 novembre. La Chambre d’instruction a également fixé à cette date l’examen de la demande d’extradition, ce qui constitue l’affaire principale. Les avocats de la défense ont remis leurs conclusions ce mercredi, veille de l’audience où les deux demandes de remise en liberté et de rejet de la demande d’’extradition devaient initialement être successivement plaidées. Mais compte tenu de la complexité du dossier, la juge Anne Cazales n’a retenu à l’audience de jeudi que le demande de remise en liberté et a demandé un délai pour les débats en relation avec la régularité de la procédure d’extradition.

La défense de Frank Schneider met en cause la conformité de la procédure au regard du droit européen et des garanties d’un procès équitable. Ses avocats demandent un arbitrage de la Cour de Justice de l’Union européenne à travers quatre questions préjudicielles.

«La procédure va être longue, surtout si la Cour fait droit à la demande de questions préjudicielles» a pronostiqué Me Emmanuel Marsigny. «Au regard des problèmes sérieux que l’affaire Frank Schneider pose, on est partis pour deux ans pour que cette procédure d’extradition soit menée à son terme», a déclaré l’avocat pénaliste.


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