Le ministre des Finances a aménagé un projet de loi qui va permettre au banquier Yves Maas, actuel directeur de l’ABBL, de conserver son mandat d’administrateur au Crédit Suisse. Cet arrangement fait suite au limogeage fin 2019 de Serge de Cillia à la tête du lobby bancaire.
Après des mois de brainstorming intensif de ses services, Pierre Gramegna (DP) a trouvé une parade pour permettre à Yves Maas de garder son mandat de président du conseil d’administration de Crédit Suisse Luxembourg et son poste de directeur général de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL). Le cumul des deux fonctions, a priori incompatibles, va devenir possible grâce à un aménagement législatif glissé dans un projet de loi censé surtout transposer des directives européennes sur la stabilité financière.
Débarqué fin octobre 2019 de son poste de directeur du lobby bancaire, Serge de Cillia a officiellement quitté ses fonctions le 15 mai dernier. Pourtant, son nom apparait toujours dans le Conseil de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) ainsi que dans deux organismes qui dépendent du régulateur des banques et entreprises d’investissement: le Conseil de résolution (en cas de défaillance d’une banque ou d’une entreprises financière) et le Conseil de protection des déposants et investisseurs (CPDI), organe dirigeant et administrant le Fonds de garantie des dépôts.
Problème de gouvernance
Yves Maas, qui a remplacé De Cillia au pied levé et qui restera en poste jusqu’en avril 2022, aurait dû logiquement prendre son relais aux fonctions qui reviennent de facto au directeur général de l’ABBL. Mais ce fut sans compter sur des problèmes de gouvernance. Car Yves Maas, président du conseil d’administration du Crédit Suisse Luxembourg, n’a pas la neutralité nécessaire pour siéger au conseil de la CSSF où il serait à la fois juge et partie.
La question de gouvernance se pose aussi avec une acuité particulière pour le mandat au CPDI, la loi du 18 décembre 2015 l’ayant introduit prévoit en effet que cette fonction doit obligatoirement revenir au directeur général de l’ABBL. Ce dernier devant en principe défendre l’ensemble de la profession, il est censé être garant de la neutralité. Or, pour des raisons qui tiennent sans doute à des considérations financières, Maas en prenant les rênes de l’organisation patronale, n’a pas voulu renoncer à ses émoluments d’administrateur auprès de la banque suisse et n’y a d’ailleurs pas vu de conflit d’intérêts.
Toutefois, cette double casquette rend impossible de par la loi l’exercice d’un mandat au sein du CPDI. D’où la nécessité de lui trouver un supplétif et d’aménager en conséquence la législation.
En 2013, la nomination de Sarah Khabirpour à la double présidence du Conseil de la CSSF et de la BIL avait fait scandale et obligea la conseillère de gouvernement préférée du ministre des Finances d’alors, Luc Frieden (CSV) de faire un choix. Elle prit le parti de démissionner de son mandat à la tête du régulateur financier.
Pas de commentaire du ministère
Reporter.lu a sollicité à plusieurs reprises le ministère des Finances pour savoir comment et quand cette chancellerie allait résoudre l’insoluble équation que la nomination de Maas engendrait. Le ministre a toujours botté en touche.
Les nominations au Conseil de la CSSF et au sein de ses deux organisations satellites sont l’affaire de Pierre Gramegna qui doit faire valider ses choix par le Conseil de gouvernement avant de les faire formellement tamponner par le Grand-Duc.
Le 27 juillet dernier, en plein cœur de l’été Covid, le ministre libéral a résolu partiellement le problème: il va changer la législation sur la garantie de dépôt. L’article 92 du projet de loi 7638 va permettre au «représentant de l’Association des banques et banquiers Luxembourg» de siéger au CPDI et non plus obligatoirement son directeur général. «Dans un souci de pallier les éventuelles contraintes découlant des règles régissant la composition du Conseil de protection des déposants et des investisseurs, il est précisé que (l’ABBL) ne doit pas nécessairement être représentée par son directeur général», justifie le texte.
Le projet de loi a été renvoyé dans la foulée de son dépôt cet été à la Chambre des députés en commission des Finances et du Budget. Le député DP Guy Arendt en a été nommé le rapporteur.
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