CBD24.lu, un des leaders de la vente de cannabis sans THC sur le marché, attaque l’Etat en justice pour le prélèvement de droits d’accises. Les Douanes considèrent les produits dérivés du cannabis comme du tabac à fumer. Les ventes se seraient effondrées, clame le patron de l’entreprise.

Sasha Joachim Theis, le patron de l’enseigne CBD24.lu qui exploite depuis début 2019 une vingtaine de points de vente de cannabis industriel dans le pays, a engagé un bras de fer contre l’Etat pour une révision à la baisse de la taxation des produits dérivés de cannabis.

Pour l’heure, la bataille n’a pas tourné à l’avantage du commerçant qui a perdu, le 15 juillet dernier, son recours en référé introduit fin juin devant le tribunal administratif. Il réclamait que soit levée une circulaire de l’Administration des Douanes et Accises ayant introduit des droits d’accises sur le cannabis sans THC. Le recours a été rejeté à titre provisoire. Le tribunal doit encore se prononcer sur le fond de l’affaire, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.

Applicable à partir du 1er décembre 2019, cette taxe de 18,25 euros par kg considère les produits dérivés du chanvre comme des «autres tabacs à fumer». Ces droits s’ajoutent à la TVA de 17% déjà applicable.

Taxation contreproductive

En attendant la légalisation du cannabis dit «récréatif» promise par le gouvernement, le cannabis sans THC est en vente libre. Plusieurs opérateurs, dont CBD24, préparent le terrain dans la perspective de la libéralisation sur le modèle des Pays-Bas et du Canada.

Nous aimerions pouvoir convaincre le gouvernement, respectivement les Douanes et Accises que des taxes trop élevées ont un effet contraire à la politique souhaitée»Marc Theisen, avocat de CBD24

«Une taxation trop élevée est contreproductive et ne fera qu’accroître le marché noir où les prix risquent fort d’être moindres que sur le marché des produits légalisés», explique à REPORTER l’avocat Marc Theisen, qui a défendu le dossier dans le litige contre les Douanes. «Nous aimerions pouvoir convaincre le gouvernement, respectivement les Douanes et Accises que des taxes trop élevées ont un effet contraire à la politique souhaitée», ajoute l’avocat. «Nous ne plaidons pas pour une taxe à zéro, mais pour une taxe juste ou, à tout le moins, plus juste», dit-il encore.

Les droits d’accises grevant le cannabis sans THC depuis la circulaire des Douanes émise le 20 février 2020 auraient fait s’effondrer les ventes de ces produits: c’est en tout cas l’argument que le patron et fondateur de CBD24 a fait valoir devant le président du tribunal administratif dans le but de faire suspendre provisoirement la taxe. Theis invoquait un «préjudice grave et définitif», pesant sur la pérennité de son fonds de commerce et justifiant la levée du droit d’accise.

Le juge a eu du mal à adhérer à cette version, les chiffres des ventes du commerçant ayant été particulièrement florissants au printemps dernier, le confinement ayant contribué à doper la consommation domestique de cannabis. En avril, les 18 points de vente installés dans le pays ont engrangé un chiffre d’affaires de 199.642 euros, contre 31.045 euros un an plus tôt (avec moins de points de vente).

Base légale discutable

Sur le plan juridique, l’avocat de CBD24 met en cause la légalité de la circulaire, dépourvue à ses yeux de base légale. «Il n’existe aucune loi spécifique visant la taxation des produits CBD», signale Me Theisen. La loi «anti-tabac» du 13 juin 2017 transposant une directive de 2014 ne porte pas spécifiquement sur les produits à base de chanvre et se limite à un renvoi «très général, vague et extensif à des produits à base de végétaux dont la destination est d’être fumée, sans autre indication», indique encore l’avocat.

La loi de 2017 a considérablement augmenté les droits d’accises dans le but de réduire le tabagisme et ses ravages sur la santé des consommateurs, avance l’avocat. Les produits CBD et les vertus thérapeutiques qui leur sont prêtées ne justifieraient pas, à ses yeux, l’application d’un dispositif comparable à la lutte anti-tabac.

Des arguments que la juridiction administrative devra trancher ultérieurement dans le cadre du recours au fond.