Le régulateur de l’audiovisuel a sanctionné une chaîne de TV destinée au public serbe pour une publicité convoquant, sous couvert d’humour, des symboles nazis. L’ALIA ne plaisante pas avec les références au national-socialisme et se pose en censeur au nom des bonnes mœurs.  

L’humoriste serbe Nenad Okanovic apparaît le 16 janvier 2021 sur le petit écran de «SportKlub1» du groupe audiovisuel «United Media sàrl» qui exploite 45 chaînes à destination des pays des Balkans. Le comédien est sollicité pour une publicité pour le service de paris sportifs en ligne, «BetOle». Il porte l’uniforme d’un officier SS, coiffé d’abord d’une casquette avec les insignes du régime nazi, puis, dans une seconde scène, d’un casque militaire.

Les insignes SS ont disparu, mais la référence au national-socialisme est évidente pour le téléspectateur lambda. Les propos tenus par Okanovic, en imitant l’accent allemand, laissent peu de doute: «Je n’ai jamais joué les Allemands au cinéma», dit-il. «Mais les matchs de la Bundesliga sont en train de se jouer (…). Joue toi aussi la Bundesliga avec ‘BetOle’. Tu joues pour gagner! Ja, Olé!».

La publicité suscite un malaise chez de téléspectateurs serbes. L’autorité serbe de régulation des médias électroniques, la REM, est saisie, mais n’est pas compétente, car Sportklub1 relève d’une concession de TV luxembourgeoise. La licence a été accordée par le gouvernement luxembourgeois un mois avant la publicité controversée. Une plainte pour incitation à la haine atterrit donc au Grand-Duché auprès de l’ALIA, le régulateur de l’audiovisuel. Dans l’intervalle, la publicité est retirée des écrans.

Le régulateur justifie son ingérence

L’instruction du dossier n’est pas traitée par le directeur de l’ALIA, Paul Lorenz, en raison du risque de conflit d’intérêts, son épouse étant une des dirigeantes de United Media. La responsable juridique se charge de boucler l’enquête. Sa proposition de verdict est indulgente, puisqu’elle recommande au conseil d’administration, organe compétent pour les sanctions, un simple blâme. Le conseil s’est montré moins accommodant.

L’ALIA a traité le cas avec des pincettes. D’abord, il lui a fallu justifier, ce qui pouvait apparaître comme une ingérence dans la liberté d’expression, qui plus est d’un artiste humoriste. Toutefois, le sujet semble trop grave tout comme la «banalisation grossière» de symboles nazis (leur utilisation en dehors de la recherche ou de l’éducation est réprimée par le code pénal) à la télévision pour que le régulateur n’intervienne pas.

«L’ALIA (…) est particulièrement préoccupée par le fait que de tels symboles soient utilisés dans les espaces publics et à des fins commerciales et considère que ces pratiques sont inadmissibles», souligne sa «décision» rendue le 14 mars dernier et publiée sur son site Internet. «Une dédiabolisation de l’idéologie nazie par la mise en scène de plaisanteries sur un sujet aussi grave témoigne d’un manque de sensibilité hautement réprouvable dans le chef de son auteur», précise la communication.

Usage inadmissible, amende modeste

Le régulateur y voit «une atteinte manifeste, sérieuse et grave aux ‘bonnes mœurs’» tant au Luxembourg, Etat d’émission, qu’en Serbie, Etat de réception des programmes. «Si un satiriste, ajoute l’ALIA, ne doit pas nécessairement s’interdire d’office, au nom de l’intelligence et du bon goût, des idioties et bassesses, l’usage (…) de symboles nazis et militaires propres à l’époque de la Deuxième Guerre Mondiale aux fins de communication commerciale est inadmissible».

Ce qui vaut à United Media et à sa chaîne sportive une amende de 1.500 euros. Le régulateur a tenu compte de circonstance atténuante en faveur du groupe audiovisuel en raison de l’interruption de la publicité. United Group a été fondé dans les années 2000 par Dragan Šolak, un entrepreneur serbe, et appartient aujourd’hui majoritairement au fonds d’investissement «B.C. Partners».


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