L’avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) estime dans les conclusions rendues ce jeudi que le régime d’accès public aux informations sur les bénéficiaires effectifs ne viole pas la réglementation européenne. Cette position est une première étape dans la procédure et ne lie pas la CJUE. Toutefois les juges s’appuient souvent sur les avis des avocats généraux pour fonder leur arrêt.
Suite à un litige entre l’homme d’affaires Patrick Hansen, patron de «Luxaviation», et le gestionnaire du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait saisi la CJUE sur la conformité de la loi du 13 janvier 2019 instituant le RBE. Le dispositif luxembourgeois s’inscrit dans le cadre de la lutte anti-blanchiment et d’une directive européenne de 2015 (la 6e du genre) obligeant les bénéficiaires de sociétés à s’identifier et à fournir un minimum d’informations accessibles au public.
Le caractère intrusif de la directive anti-blanchiment dans la vie privée des entrepreneurs est au centre de la procédure devant la juridiction européenne. Patrick Hansen et un autre plaignant estiment que le texte européen porte atteinte à leurs droits fondamentaux, notamment le respect de leur vie privée et familiale. La question est celle du difficile équilibre entre la transparence et la démocratie.
L’avocat général reconnaît, selon un communiqué du service presse de la CJUE, que l’accès public aux données permettant l’identification des personnes qui contrôlent les sociétés constitue bien une ingérence dans les droits fondamentaux, mais pour autant, il ne revêt pas «un caractère de particulière gravité». «Les données accessibles au grand public ne permettent pas à elles-seules de tirer des conclusions particulièrement précises concernant la vie privée des personnes concernées et n’affectent donc pas directement et fortement l’intimité dans leur vie privée», souligne le communiqué. Le magistrat estime que la directive anti-blanchiment définit «de manière claire et précise» la portée de la limitation aux droits fondamentaux.
Ce n’était pas l’avis du Contrôleur européen de la protection des données lors des plaidoiries en octobre dernier. Sa représentante estimait en effet que l’objectif de prévention contre le blanchiment de la 6e directive avait été mal défini et que le texte était attentatoire aux droits fondamentaux des citoyens de l’UE.
Une autre question d’interprétation se pose dans cette affaire sur la portée très grand public de la consultation des informations au RBE, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un intérêt légitime. L’avocat général voit dans ce dispositif une «condition strictement nécessaire (…) pour atteindre l’objectif de prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en parvenant au niveau maximal de transparence possible».
«Le régime d’accès public aux informations concernant les bénéficiaires effectifs mis en place par la directive anti-blanchiment n’aboutit pas à une ingérence disproportionnée dans les droits au respect de la vie privée», conclut le magistrat. La CJUE rendra son arrêt ultérieurement. (VP)
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