Rien ne va plus, à en croire les acteurs historiques de la scène du cinéma qui, pressés par la concurrence, réclament à grands cris une hausse du budget du Film Fund. Les 34 millions d’euros obtenus annuellement par l’Etat luxembourgeois ne suffiraient plus. Vraiment? La cérémonie du Lëtzebuerger Filmpräis, qui s’est déroulée le 22 septembre au Grand Théâtre, a dévoilé un palmarès intéressant à décrypter à cet égard. Un commentaire.

Sur les 450 membres de la Filmakademie, près de 360 ont pris part au vote pour désigner les lauréats. Le fait est que la «vieille garde» semble la grande gagnante de cette édition. Sans surprise, Mélusine Productions de Stephan Roelants décroche deux trophées avec «The Breadwinner » de Nora Twomey (meilleur film d’animation et meilleure contribution créative dans un film d’animation). Le prix du meilleur long-métrage de fiction en coproduction revient à «Noces» de Stephan Streker, produit par Tarantula, la société de Donato Rotuno. Pol Cruchten obtient le prix du meilleur documentaire pour «La supplication» produit par sa société Red Lion. Iris Productions de Nicolas Steil s’impose dans la nouvelle catégorie «Meilleure production TV et nouveaux médias» avec la série «Bad Banks» de Christian Schwochow. La société de Bady Minck, Amour Fou, obtient le prix de la meilleure contribution créative dans une fiction ou un documentaire pour les costumes de «Egon Schiele».

Deux prix font exception à la règle. Ils soulignent l’arrivée sur la scène d’une relève qui entend, elle aussi, avoir son mot à dire, quitte à bousculer les «historiques». La catégorie reine du meilleur long métrage luxembourgeois de fiction ou d’animation a été remportée par «Gutland» qui a aussi valu à Vicky Krieps le prix d’interprétation. Ce premier long métrage signé par la nouvelle coqueluche du cinéma luxembourgeois, le jeune et talentueux réalisateur Govinda van Maele, a été produit par une spin off de Red Lion, Les Films Fauves de Gilles Chanial. Il a été sélectionné au festival de Toronto et représentera le Luxembourg dans la prochaine course aux Oscars. Le prix du meilleur court-métrage sacre quant à lui un film qui a déjà reçu plus d’une quarantaine de trophées dans des festivals à l’étranger, «Fils» de Cyrus Neshvad, produit par sa société Cynefilms.

Il faut savoir que les prix en compétition sont sortis sur les écrans entre 2016 et 2018. Cela signifie que leur production a eu lieu trois à quatre ans en amont. Le palmarès 2018 offre ainsi la photographie d’un paysage cinématographique qui a déjà changé. D’où l’impression de schizophrénie que pouvait donner la cérémonie du Filmpräis, où l’on parlait «d’année noire» sans boycotter le tapis rouge déroulé dans le hall du Grand Théâtre et en dégustant de bon appétit le généreux buffet offert à l’issue de la cérémonie.