2020 devait être l’année de la consécration pour la danseuse Jill Crovisier. Mais à l’heure du Covid-19, son parcours international est stoppé dans son élan tandis que la scène luxembourgeoise a du mal à se déconfiner. Son témoignage apporte un éclairage sur la manière dont les artistes traversent la crise.
«Je me suis pris une claque. En quelques jours, je suis passée du trop plein au néant», dit Jill Crovisier. Nous retrouvons la danseuse et chorégraphe à la Banannefabrik de Bonnevoie, qui abrite le Centre de création chorégraphique du Luxembourg (TROIS-CL). La salle de spectacles est toujours fermée, la reprise des cours professionnels attendra septembre mais les studios de répétition viennent de rouvrir, après deux mois et demi portes closes. La danseuse y travaille les trois solos à son répertoire. Un format compatible avec les contraintes actuelles de distanciation physique, si elle veut éviter le port du masque sur scène.
Pour l’instant, son agenda présente une succession de dates barrées et de points d’interrogation. Une situation anxiogène. «Au début du confinement, on a senti un élan sur la scène culturelle. Le ministère a très vite réagi. Quelques initiatives se sont mises en place. Et puis progressivement, une sorte de vide s’est installé. J’ai eu comme l’impression d’être seule dans un trou, sans perspective d’en sortir. Les contacts sont devenus plus difficiles par mail. On a senti une tension dans les institutions culturelles du fait de l’incertitude sanitaire. De mon côté, je n’osais pas appeler. Je me disais que ce n’était pas mon rôle de frapper aux portes», dit celle qui s’est confinée à Rumelange, son port d’attache luxembourgeois entre deux projets réalisés hors des frontières.
Cela fait bientôt trois mois que les artistes du spectacle vivant ne se produisent plus sur scène. Désormais, l’heure est au déconfinement mais les vacances approchent. La plupart des salles vont rester fermées durant l’été pour écouler les congés de leurs salariés, en espérant un redémarrage en septembre. La crise du Covid-19 aura souligné que les attentes des artistes sont en décalage avec les contraintes et le fonctionnement des institutions.
Sur les traces de Pina Bausch
Le Covid-19 a percuté la trajectoire de Jill Crovisier alors qu’elle s’apprêtait à partir au Portugal pour y travailler sur sa prochaine création, programmée les 2 et 3 décembre 2020 au Grand Théâtre de Luxembourg. «J’étais sensibilisée à la progression du coronavirus en Europe. En février, j’avais fait une résidence à la Art Factory International de Bologne en Italie, avant de partir pour Rennes danser un projet coproduit par une compagnie chinoise. Au fil des jours, les nouvelles étaient de plus en plus alarmantes. Le 11 mars, cinq jours avant le début du confinement, j’ai renoncé à partir au Portugal». La litanie des annulations ne faisait que commencer …