La juge d’instruction a clôturé son enquête sur l’une des plus importantes fraudes financières réalisées à partir de Luxembourg. 30 millions d’euros sont en jeu. L’affaire se solde par huit inculpations, dont celles de la banque suisse BCP et d’Emmanuel Abramczyk, ancien forain converti dans le diamant.
La juge d’instruction a adressé ce lundi un message laconique aux victimes d’une des plus grandes escroqueries présumées à l’épargne de ces dix dernières années: «Je vous informe que je viens de clôturer l’instruction judiciaire (…). J’ai transmis le dossier au parquet de Luxembourg», écrit-elle.
Cette information est vécue comme un soulagement pour les centaines de victimes qui ont confié leurs économies à la société luxembourgeoise Rawstone et à son fondateur et actionnaire Emmanuel Abramczyk, 54 ans. Les investisseurs ont cru aux promesses de rendements de 9,90% par an de placements prétendument investis dans la taille de diamant.
Les mises de fonds allaient de minimum 50.000 euros à 100.000 euros voire 500.000 euros. Personne n’a revu son argent lorsqu’en 2019, la fraude de type Ponzi est découverte après des plaintes d’investisseurs. Une enquête judiciaire est alors ouverte.
Cavalerie financière
La Police lance en septembre 2019 par petite annonce un appel à témoins afin de recenser les victimes. Selon les informations de Reporter.lu, il y en aurait près de 300, principalement en France et au Luxembourg. La cavalerie porte sur 30 millions d’euros.
Ni Rawstone ni son dirigeant n’avaient d’autorisations pour commercialiser des produits financiers. La société avait échoué à obtenir auprès de la Commission de surveillance du secteur financier une licence pour lancer sur le marché de l’épargne un fonds diamantaire. Abramczyk avait pourtant confié le montage de son dossier à des professionnels expérimentés, dont la firme PWC.
La juge d’instruction Martine Kraus a bouclé l’enquête en un temps record. Elle a inculpé huit personnes notamment pour faux et usage de faux, escroquerie, abus de confiance et blanchiment. Des informations confirmées à Reporter.lu par le porte-parole de l’administration judiciaire.
Emmanuel Abramczyk réunit à lui seul presque la moitié des infractions du code pénal»Un avocat des parties civiles
Outre Ambraczyk, le principal suspect, l’épouse de ce dernier ainsi que sa maîtresse, la juge a également ciblé la banque BCP au Luxembourg, suspectée de violation de ses obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment. Il s’agit de la „Banque de Commerce et de Placements“ (BCP), succursale luxembourgeoise de la banque suisse du même nom.
La BCP avait été sanctionnée en juillet 2020 par la CSSF d’une amende de 170.000 euros pour le non-respect de ses obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La sanction était intervenue après un contrôle sur place.
Les représentants de la banque ont été convoqués le 25 janvier dernier au cabinet d’instruction. La juge Martine Kraus avait averti préalablement les parties civiles qu’un mandat de comparution avait été envoyé à la banque et qu’elles pouvaient assister à l’interrogatoire.
Prévenu dans le déni
«Emmanuel Abramczyk réunit à lui seul presque la moitié des infractions du code pénal», ironise un avocat des victimes qui s’étonne toutefois que le principal suspect, qui avait été placé sous mandat de dépôt à l’automne 2019, ait été libéré en juin dernier sans contrôle judiciaire à la clef. Selon les informations de Reporter.lu, Emmanuel Abramczyk est dans le déni et conteste les multiples infractions qui lui sont reprochées.
Emmanuel Abramczyk avait comparu devant le tribunal correctionnel à l’automne dernier dans une autre affaire d’escroquerie financière et de blanchiment à la Caixa Geral de Depositos, une banque portugaise aujourd’hui disparue du paysage bancaire luxembourgeois.
Celui qui est présenté comme le Bernard Madoff du diamant est arrivé à Luxembourg au milieu des années 2000, après un passage par Genève où il avait vécu du chômage et du salaire de sa femme comptable. Il avait démarré sa carrière, après son baccalauréat, comme forain sur les marchés de Normandie.
La procédure judiciaire prévoit que l’instruction, une fois terminée, soit envoyée au parquet qui doit rendre ses conclusions et demander ou non le renvoi des prévenus devant un tribunal correctionnel. Des pourvois des prévenus sont possibles contre la décision de renvoi, qui pourraient retarder la tenue d’un procès.
Note de la rédaction: Dans une première version, il a été question de BCP, «banque aux capitaux portugais», ce qui est une erreur. Nous prions nos lecteurs de bien vouloir excuser cette confusion.
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