Le collectif Richtung22 a multiplié ces derniers mois les initiatives pour faire annuler le programme culturel du pavillon luxembourgeois à l’Exposition universelle de Dubaï. Qu’en pensent les artistes qui participent au projet? Ils s’en expliquent pour REPORTER.
«Richtung22 peut dire ce qu’il veut à propos de l’exposition universelle de Dubaï. Mais je trouve ça un peu facile quand on sait d’où vient la critique. Où est la prise de risque? Ils devraient se rendre aux Émirats pour mieux comprendre les choses et les traiter de manière plus nuancée.» Tout juste rentré de Chine, où son dernier film «Sawah» a été présenté à Shenzen, Shanghaï et Beijing, le réalisateur Adolf El Assal nous retrouve autour d’un thé au jasmin Grand-Rue à Luxembourg.
L’activisme de Richtung22 ne fait pas rire ce spécialiste des comédies déjantées. Le collectif indépendant dénonce une instrumentalisation de l’art au service du Nation Branding des deux pays. Il a produit une pièce de théâtre, diffusé une lettre ouverte à la ministre de la Culture et au président du Fonds Culturel National mais aussi livré devant le ministère une sculpture inspirée de l’architecture du pavillon, ironisant sur «son engagement courageux en faveur de la liberté artistique et des droits de l’homme» dans le cadre de l’Expo 2020. Adolf El Assal, lui, estime que «c’est un honneur de pouvoir représenter la culture du pays qui m’a soutenu en tant qu’artiste».
Aujourd’hui âgé de 38 ans, le cinéaste a vécu jusqu’à l’âge de sept ans, avec ses parents d’origine égyptienne, à Fujaïrah – l’un des sept Émirats Arabes Unis. Les déflagrations de la guerre Iran-Irak, à quelques encablures du détroit d’Ormuz où ils étaient établis, ont convaincu cette famille de notables – le père était pharmacien, la mère médecin – d’émigrer vers le Luxembourg et d’y repartir de zéro en tenant une petite épicerie à Remich. Leur fils, qui revendique sa double identité luxembourgeoise et arabe, revient lui aussi de loin. Il y a dix ans, après un master dans une école de cinéma à Londres, il a dormi pendant six mois dans sa voiture, faute de job. Le Film Fund a financé son premier court métrage et l’a sorti de la rue. «Cela ne s’oublie pas», dit-il.
J’ai reçu un mail anonyme avec quelques questions très banales à propos de ma participation au pavillon de Dubaï. Je ne vois pas pourquoi j’aurais dû y répondre sans savoir à qui j’avais affaire.»Guy Helminger
Aux côtés d’Adolf El Assal seront présents à Dubaï Julie Conrad (design), Guy Helminger (littérature), Karolina Markiewicz et Pascal Piron (art visuel), Simone Mousset (danse), Patrick Muller (musique) et Renelde Pierlot (théâtre). Tous ont répondu favorablement à l’invitation faite par un comité artistique qui comprend des représentants de différentes institutions culturelles du pays, sous la présidence de la commissaire générale au pavillon luxembourgeois et ancienne ministre de la Culture, Maggy Nagel. Entre opportunisme, pragmatisme ou idéalisme, chaque artiste a ses raisons particulières de participer à la manifestation. Et un regard différencié sur les positions de Richtung22.
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