Le voyagiste Sales-Lentz envisage d’organiser des expéditions pour y faire vacciner ses clients à l’étranger. Le tourisme vaccinal anti-Covid-19 représente une opportunité d’affaires pour sauver la saison de l’opérateur. Les autorisations sont attendues d’ici quelques jours.
Destination Serbie, Israël ou les Emirats arabes unis? Ces juridictions sont parmi celles qui vaccinent le plus et qui attirent les voyageurs étrangers pour y recevoir leurs doses anti-Covid-19 sans attendre leur tour dans leur pays d’origine.
Comme d’autres agences de voyages avant lui, qui organisent par exemple des escapades en Russie où le forfait comprend le vaccin Spoutnik V, le groupe Sales-Lentz (SLG), via sa filiale Travel Group, réfléchit très sérieusement à opérer dès le mois de mai un premier voyage vaccinal à l’étranger pour sa clientèle luxembourgeoise.
Marc Sales, membre de la direction et associé de SLG confirme à Reporter.lu les intentions du groupe d’explorer le tourisme vaccinal et de le proposer dans son catalogue: «Il est vrai qu’une de nos sociétés est en train d’analyser les opportunités pour proposer des voyages vaccinaux», explique-t-il.
Luxair et autres options sur la table
Selon les informations de Reporter.lu, une première expédition serait à l’étude au début du mois de mai, soit en Serbie soit en Bulgarie. «Il y a différentes pistes de réflexions et de projets» admet le dirigeant, en reconnaissant que des discussions ont été initiées notamment avec la compagnie aérienne nationale Luxair.
Nous attendons les autorisations. Cela peut être une question de trois ou quatre jours ou peut-être plus.“
Marc Sales, associé SLG
«Naturellement, nous nous mettrons à table avec Luxair, mais les départs pourraient aussi se faire à partir de Francfort», précise Marc Sales. Des départs en autocars ne sont pas exclus non plus. Sales-Lentz a actuellement 70 véhicules restés à quai et des chauffeurs sans travail.
Des contacts ont également été pris avec les autorités des destinations cibles de ce tourisme vaccinal, preuve que le projet est arrivé à un stade de maturité avancé. «Nous attendons les autorisations. Cela peut être une question de trois ou quatre jours ou peut-être plus», ajoute Marc Sales. SLG estime à 40% les chances de parvenir à finaliser une offre commerciale «de qualité et fiable» pour ses clients.
Gilles Feith, le directeur général de Luxair, ne souhaite pas être associé aux initiatives du groupe Sales Lentz: «Luxair ne veut pas être associé à ce genre de tourisme», fait-il savoir dans un entretien à Reporter. Il reconnait que Luxair a bien été en pourparlers avec Sales Lentz mais que les discussions ont pris fin dès que les dirigeants de la compagnie aérienne ont eu connaissance de la nature du voyage.
Sales Lentz entendait en effet réserver un vol charter début mai entre le Findel et la Bulgarie: «Nous ne pouvions pas le soutenir. Je trouve que les voyages vaccinaux ne sont éthiquement pas corrects», souligne Gilles Feith.
SLG veut «redémarrer le business»
Les projets de tour anti-Covid de SLG posent aussi des problèmes pratiques. Il s’agit en effet de recevoir les autorisations officielles des autorités sanitaires du pays de destination sur la disponibilité et l’offre de vaccin. Le choix du transporteur et de l’hôtel interviendra dans une seconde étape et déterminera le prix du voyage. Des sources concordantes évoquent une entrée de prix à 800 euros par personne. Marc Sales n’a pas souhaité fournir de détails à ce sujet.
Le sujet est assez délicat, on ne vend pas des voyages en salopettes ni une cure de wellness et au moindre doute, nous nous abstiendrons.“Marc Sales, associé SLG
Il n’a pas non plus voulu donner de précisions sur les destinations à l’étude: «Les projets sont encore vagues, mais Israel et Dubaï ont été analysés». Il refuse de se prononcer sur la Serbie, qui a développé une offre vaccinale pour les étrangers notamment avec les vaccins russes et chinois et qui attire de nombreux touristes de proximité (de Croatie notamment).
«Le sujet est assez délicat, on ne vend pas des voyages en salopettes ni une cure de wellness et au moindre doute, nous nous abstiendrons», dit Marc Sales. «Ces voyages, ajoute-t-il, ne pourront pas se faire par exemple au détriment des résidents des pays dans lesquels les vaccinations pourront se faire. Nous ne prendrons pas de risques».
Pour Marc Sales, les projets de tourisme vaccinal s’inscrivent dans l’urgence du voyagiste luxembourgeois – qui a perdu plus de 80% de son chiffre d’affaires avec la pandémie – à devoir «redémarrer le business»: «Nous sommes là pour chercher des solutions», souligne-t-il.
Un phénomène en forte croissance
De façon générale, le tourisme vaccinal s’est d’abord développé en Russie. L’agence norvégienne World Visitor propose ainsi une offre «Impfreisen» avec le vaccin Spoutnik V, principalement tournée vers sa clientèle allemande. Les forfaits de base se vendent à 1.400 dollars, incluant deux séjours de courte durée, un pour chaque dose de vaccin, en l’espace d’un mois, rapporte le journal canadien Metro. Pour 3.500 dollars, le séjour plus long (22 jours) peut être agrémenté d’une cure dans une station thermale russe.
Légalement, le fait de se faire vacciner contre la Covid-19 dans un autre pays se trouve dans une zone grise, comme les autres voyages en lien avec des procédures médicales.“Alan Petersen, sociologue
La Serbie commence aussi à attirer des touristes étrangers. Selon l’agence Associated Press, des milliers de citoyens de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de Macédoine du Nord et même de Croatie ont afflué à Belgrade début avril après que les autorités serbes ont offert aux étrangers une vaccination gratuite contre le coronavirus.
La Serbie assure avoir des stocks suffisants et l’un des taux de vaccination les plus élevés d’Europe, principalement grâce à l’achat de grandes quantités de vaccins en provenance de Chine et de Russie. Le pays utilise aussi des vaccins de Pfizer/BioNTech et AstraZeneca.
Un tourisme «dans une zone grise»
Pour ceux qui préfèrent des destinations plus exotiques, les Maldives entendent devenir un paradis vaccinal. Les autorités ont lancé à la mi-avril le programme «Tourisme 3V», pour visite, vaccin, vacances, qui va proposer la vaccination aux touristes dès leur arrivée sur cette destination paradisiaque, avec l’injection de la deuxième dose juste avant leur départ. «L’idée principale de l’ouverture du tourisme est d’offrir un tourisme raisonnablement sûr avec un minimum de désagrément», a indiqué le Dr Abdulla Mausoom, le ministre du Tourisme du pays, dans une interview à la chaîne CNN, largement relayée par les médias internationaux.
Le pack «Vaxination» sera mis en place lorsque l’ensemble de la population des Maldives (environ 550.000 personnes) sera vacciné. L’approvisionnement du pays en doses de vaccins ne poserait pas de problèmes, toujours selon Abdulla Maussom, son pays ayant reçu des dons de vaccins de l’Inde (où la pandémie fait des ravages), de la Chine et du programme Covax de l’Organisation modiale de la Santé.
L’Etat de l’Alaska aux Etats-Unis s’est à son tour lancé dans le tourisme vaccinal. Radio France International rapporte que l’Etat proposera à partir du 1er juin prochain la vaccination gratuite des touristes nationaux et internationaux avec des doses Pfizer ou Moderna. Seule condition imposée: rester sur place pendant au moins 21 jours.
Alan Petersen, expert en sociologie de santé, cité par le journal canadien Metro, estime qu’il existe des risques légaux pour les compagnies qui organisent des voyages vaccinaux à l’étranger: «Légalement, le fait de se faire vacciner contre la Covid-19 dans un autre pays se trouve dans une zone grise, comme les autres voyages en lien avec des procédures médicales. Il faut se demander si ces agences sont bien assurées et si leurs assurances accepteraient de les couvrir dans le cas où les choses tournent mal».
L’article a été actualisé avec la prise de position de Gilles Feith, le directeur général de la compagnie aérienne nationale Luxair.