La présidence de la BIL est un des postes les plus convoités pour les retraités de la politique et du secteur financier. À la suite de son comeback au CSV, Luc Frieden va céder sa place à Marcel Leyers. Une nouvelle page s’ouvre pour une banque au parcours chaotique.
Ne peut plus devenir le patron d’une banque systémique qui veut. Les petits arrangements qui ont permis à d’anciens ministres de pantoufler à la présidence d’établissements financiers dans lesquels l’Etat détient des participations, mêmes minoritaires, appartiennent au passé. Prendre la tête d’une grande banque est conditionné à un examen de passage devant la Banque centrale européenne (BCE), avec l’adoubement des autorités luxembourgeoises. Les candidats doivent faire la démonstration qu’ils sont «fit and proper».
C’est l’épreuve qui attend Marcel Leyers, actuel CEO de la BIL, qui va remplacer Luc Frieden à la fin de l’année à la tête de la doyenne des banques luxembourgeoises.
L’exercice n’a pas toujours réussi aux prétendants. En novembre 2016, Henri Grethen, ancien ministre DP de l’Economie, a dû retirer en catastrophe sa candidature à la présidence de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat pour éviter la honte de la voir retoquée par les éminences grises de la BCE, qu’il n’avait pas su convaincre de sa capacité à exercer son mandat. Proche du Premier ministre Xavier Bettel, le vétéran Grethen s’était fait promettre le poste. Dans le marchandage politique, il laissait son poste de membre de la Cour des comptes à la députée Joëlle Elvinger. Mais la décontraction avec laquelle l’ex-ministre se présenta à Francfort lui fut fatale.
La bonne étoile de Luc Frieden
Quelques mois plus tôt, Luc Frieden avait réussi le test du «fit and proper». Le processus de nomination de l’ex-ministre des Finances CSV, passé à la Deutsche Bank à Londres après l’éviction des conservateurs du gouvernement, fut discret. La proximité de Luc Frieden avec Jean Guill (lui-même sympathisant du CSV) et le soutien de ce dernier, qui fut jusqu’en février 2016, directeur général de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) aurait facilité sa nomination à la présidence de la BIL en mars 2016. Les bonnes relations que l’ex-ministre des Finances entretenait avec les Qataris de Precision Capital ont également contribué à l’attribution du mandat.
L’ancien ministre CSV avait la confiance du Qatar et sa reconnaissance. La famille royale Al Thani s’était acheté la BIL en 2009 pour un prix bradé (730 millions d’euros) et l’avait revendue en 2017 pour le double (1,5 milliard d’euros) aux Chinois de Legend Holding Corp. Luc Frieden s’est maintenu à son poste après le changement d’actionnaire.
Irritation des Chinois
Toutefois, Luc Frieden a mis la placidité des Chinois à l’épreuve lorsqu’au printemps 2022, il s’exprime sur les ondes de la „Radio 100,7“ sur l’intention de la banque de vendre sa participation (13,14%) dans le capital de Luxair. Or, ni l’actionnaire majoritaire, ni l’Etat minoritaire (10% du capital de la BIL) n’ont mis officiellement la vente des actions de la compagnie aérienne à l’agenda du conseil d’administration. Les déclarations intempestives de Frieden obligent la banque à se fendre d’un communiqué …
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