La programmation de la première saison signée par Claude Mangen au Mierscher Kulturhaus est le reflet de ses ambitions. Des thématiques fortes et l’accent mis sur des exclusivités doivent inciter le public à faire le déplacement jusqu’au centre du pays. Un choix qui peut ne pas plaire à tous.
Mettre sur pied une programmation au Mierscher Kulturhaus est un exercice complexe où la culture jongle avec l’économie et le politique. Sa fréquentation encore trop limitée montre que l’équation n’est pas simple à résoudre.
Premier défi: la situation géographique de cette institution la met en concurrence directe avec le CAPE d’Ettelbruck, à une douzaine de kilomètres au nord, et avec les institutions culturelles de Luxembourg, à une vingtaine de kilomètres au sud. La publicité autour des têtes d’affiche qui s’y produisent attire forcément le public de Mersch dont le pouvoir d’achat culturel est limité.
Autre enjeu: l’ancrage local de l’institution. Plus de la moitié de son financement provient du budget communal. Que le tout Luxembourg vienne voir des spectacles à Mersch peut flatter l’ego du directeur ou des autorités locales. Mais les contribuables – qui sont aussi des électeurs – préfèreront en être les premiers bénéficiaires. La programmation doit les concerner au premier chef.
Enfin se pose la problématique de l’évolution socio-démographique du territoire. La commune de Mersch a vu sa population augmenter de 25% depuis 2010 et approche les 10.000 habitants. Une partie non négligeable de cette croissance provient d’une population d’origine étrangère attirée par l’accès rapide à la capitale grâce au train ou à l’autoroute. Comment l’intégrer à une offre culturelle dont elle ne maîtrise pas toujours la langue ou les codes? Quelle peut être sa place à côté d’une population qui reste majoritairement luxembourgeoise au cœur du pays?
Le charme de la singularité
Pour la saison 2019/2020, les choix du nouveau directeur de l’institution, Claude Mangen, montrent qu’il n’entend pas uniquement miser sur le public local. Il s’agit de positionner Mersch sur la scène culturelle nationale et d’y attirer un nouveau public.
Sa stratégie pour y parvenir est habile. Sera-t-elle suffisante? Le nouveau directeur a pris la mesure de son nouveau territoire sans renoncer à utiliser les atouts qu’il a en main, fort d’une carrière de plus de 30 ans sur la scène théâtrale et de son carnet d’adresses d’ancien programmateur de la radio socio-culturelle. La liste des partenaires de ses projets est bien affichée dans le programme, soulignant la volonté de travailler en réseau. On relève en particulier la coopération avec le Centre National de Littérature de Mersch pour une exposition autour des 100 ans de la naissance de l’auteur satirique Pir Kremer.
Pour se différencier, le nouveau directeur met l’accent sur des «exclusivités». Six créations sont au programme la saison prochaine, dont deux sous sa direction: une revue musicale et satirique «Um Stamminee» autour de l’œuvre de Pir Kremer en décembre, suivie de l’opéra «Dido and Aeneas» de Purcell.

On observe que le principal pilier de la programmation reste la musique, un langage universel qui permet de surmonter les barrières culturelles. Mais l’accent est mis sur les ensembles luxembourgeois et sur les jeunes talents du pays. Claude Mangen entend positionner le Mierscher Kulturhaus comme le centre de la création luxembourgeoise, toutes disciplines confondues. Ainsi, le Summer Ochestra Luxembourg a désormais sa résidence à Mersch. Il explorera la saison prochaine les musiques américaine et française.
L’atout de la communication
Finalement, la marque de Claude Mangen se reflète dans le choix de thématiques fortes. Cet «homme de communication», comme il se définit lui-même, sait que cela permet de mieux communiquer grâce à un message clair. La première thématique, intitulée «Power to the People», questionne la démocratie et l’engagement de chacun. Si elle est pertinente dans le contexte actuel, elle peut sembler un peu passe-partout et ne diffère guère de ce dont on peut débattre par exemple aux Rotondes à Luxembourg. Pas sûr que cela justifie le déplacement jusqu’à Mersch.
En revanche, la manière dont il thématise la problématique de la «Croissance» en l’ancrant dans le territoire de Mersch est tout-à-fait judicieuse. Cela va donner lieu à trois expositions sur le monde agricole, sur la croissance urbaine et sur la destruction des friches industrielles de l’Agrocenter. Elles seront ponctuées de conférences. Le public scolaire aura aussi son mot à dire à travers le projet participatif «Mäi Selfie mat Miersch». Une manière de surfer sur l’air du temps individualiste tout en soignant le collectif.
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