L’affaire Sandro Luci fait trembler la Cité judiciaire. L’ancien juge a comparu devant le tribunal aux côtés de son ami avocat pour prise illégale d’intérêts en lui confiant des tutelles. Le parquet considère que la proximité des deux hommes a nui à l’image de la justice.
«C’est une histoire sans fin que vous avez lancée dans cette affaire», a averti Me Jean Minden, l’avocat d’un des prévenus lors du procès d’un ancien magistrat et d’un avocat devant le tribunal correctionnel pour prise illégale d’intérêts. Les poursuites engagées contre le tandem pourraient, s’ils étaient condamnés, avoir un effet disruptif dans le microcosme judiciaire luxembourgeois. «Si la moindre mise en contact entre un avocat et un juge suffit à documenter un intérêt moral, alors le monde judiciaire évolue sur un terrain miné. Les risques de poursuites pénales seront réels et les avocats devraient renoncer à toute vie sociale», a précisé Me Minden, en évoquant la promiscuité presque structurelle entre la magistrature, le barreau et la police au Luxembourg.
Une amitié de notoriété publique
Amis dans le privé, les deux hommes ont aussi beaucoup travaillé ensemble, ce qui leur vaut les poursuites pénales. Sandro Luci, juge des tutelles des incapables majeurs a confié des mandats judiciaires à Luc Tecqmenne, avocat du barreau de Luxembourg. Leur proximité était de notoriété publique. Les prévenus se retrouvaient souvent à l’heure de midi pour un jogging. Ils avaient fait équipe lors de trails. Ils partageaient la même passion pour l’alpinisme. «Ils ne cachaient pas leur amitié, mais elle n’a pas rejailli sur le plan professionnel», a expliqué à la barre une collaboratrice de l’avocat.
La prise d’intérêts doit être entendue dans son acception la plus large. La simple possibilité du préjudice matériel existe.“Réquisitoire du ministère public
En douze ans, entre 2004 et 2015, année de la suspension du magistrat pour des raisons disciplinaires – des relations inappropriées avec une de ses tutelles –, Luc Tecqmenne a obtenu 222 mandats judiciaires comme mandataire spécial, de tuteur ou de curateur de personnes majeures incapables. Sandro Luci a traité, au cours de sa carrière de magistrat, quelque 3.000 dossiers de tutelles. Le magistrat en ouvrait plus de 300 par an.
Il s’appuyait sur un réseau d’avocats et d’associations pour gérer les dossiers, parfois délicats en fonction de l’état du patrimoine et de l’entente des familles. Luc Tecqmenne a reçu de nombreux mandats, mais il ne fut pas le seul avocat dans ce cas …
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