Avant de donner son agrément, la ministre Corinne Cahen vient de demander des précisions à «Orpéa». La multinationale française des maisons de retraite, au cœur de multiples scandales, entend donner suite aux réquisitions afin de s’installer au Grand-Duché.

Coup de théâtre deux jours avant l’ouverture planifiée de la maison de retraite «Récital» à Merl. Ce lundi 13 juin, une lettre de la part de la ministre de la Famille, Corinne Cahen (DP), a été envoyée à «Orpéa Luxembourg Exploitation» – la société qui gère les affaires luxembourgeoises du groupe.

Alors que fin mai, elle se disait encore réticente à signer un agrément avec Orpéa mais avec un peu de mal au ventre, Corinne Cahen semble avoir effectué un virage en dernier instant. Le thème sensible des maisons de retraite lui avait déjà valu des demandes de démission de la part de l’opposition, par rapport à la gestion de la crise pandémique dans ces institutions.

La lettre, que Reporter.lu s’est procurée, mentionne le livre à révélations «Les fossoyeurs» du journaliste Victor Castanet, ainsi que les récentes enquêtes du «Monde», de «Médiapart» et d’«Investigate Europe» – par rapport auxquelles le ministère dit attendre des explications.

Le ministère inquiet

Le ministère se dit également inquiet du fait que l’entité à agréer «est la sous-filiale d’Orpéa (France), laquelle est dès lors susceptible d’exercer une influence significative sur la gestion de l’entité luxembourgeoise à agréer». Même si le délégué à la gestion journalière est le «CEO Northern Europe» du groupe Orpéa, c’est surtout la filiale française qui est au centre des récents scandales qui frappent le groupe.

Il s’agit de demandes de précision qui attestent de la plus grande importance que le gouvernement donne à notre activité et que nous saluons.“Une porte-parole d’Orpéa

Des scandales corroborés par le rapport de plus de 550 pages de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) françaises que le ministère a aussi fait parvenir aux députés de la Commission de la Famille et de l’Intégration. Les experts français ont trouvé une société très centralisée et hiérarchisée, où l’autonomie des directeurs d’établissements est restreinte au management des finances et aux économies à faire. Ce qui a pour conséquences un personnel en surmenage permanent, des négligences sur les patients pouvant aller jusqu’à provoquer des développements mortels. S’y ajoutent les récents scandales financiers en France, au Luxembourg, comme en Suisse.

En conséquence, Corinne Cahen demande à Orpéa de lui fournir tous les liens entre la sous-filiale et les gérants de la structure luxembourgeoise, les audits internes, un organigramme transparent du groupe et «un état des procédures pénales en cours ou menées à terme au niveau du groupe et de ses dirigeants dans les cinq dernières années».

«Dans la plus grande transparence»

Si l’on prend en compte l’opacité dont Orpéa s’entoure dès ses débuts, ces demandes semblent a priori difficiles à remplir. Et pourtant, une porte-parole d’Orpéa a indiqué à Reporter.lu que le groupe va «collaborer dans la plus grande transparence avec Madame la ministre et ses services et [transmettra] l’ensemble des précisions demandées».

En outre Orpéa reste confiant d’obtenir l’agrément du ministère de la Famille et aussi d’ouvrir sa deuxième unité en construction actuellement à Strassen dans quelques années. La porte-parole va même jusqu’à féliciter Corinne Cahen pour sa gouvernance: «Il s’agit de demandes de précision qui attestent de la plus grande importance que le gouvernement donne à notre activité et que nous saluons».

Le groupe – qui a déjà engagé du personnel pour sa structure à Merl, mais dit ne pas avoir signé de contrats avec d’éventuels résidents – a jusqu’au 13 juillet pour donner suite aux demandes du ministère, qui n’entend pas en démordre. Ainsi, il est ajouté en bas de la lettre: «Nous ajoutons que nous n’excluons pas de poser d’autres questions au fur et à mesure de l’évolution de l’instruction».


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