La Banque centrale de Luxembourg a livré une analyse sans filtre du projet de budget 2020 et des projections budgétaires à l’horizon 2023. Le financement des retraites et de l’assurance santé est un des principaux défis auxquels le gouvernement doit faire face.
Mesure impopulaire s’il en est, le gouvernement Bettel II doit s’atteler d’urgence à la réforme des retraites dans un contexte de population vieillissante et d’une dynamique de croissance avec plus de points d’interrogation que de certitudes. La Banque centrale de Luxembourg (BCL) rappelle cet impératif dans l’avis sur le projet de budget que son président Gaston Reinesch a présenté lundi aux membres de la Commission des Finances et du Budget.
Sur plus de 250 pages, les experts de la BCL passent en revue les principaux défis de l’économie luxembourgeoise au cours de la législature: gratuité des transports, crise du logement, baisse prévisible des rentrées fiscales et financement des dépenses de protection sociale. Ce dernier poste représente la plus grande part des dépenses des administrations publiques. C’est aussi celui qui suscite les plus grandes inquiétudes.
Une dette insoutenable
«La dynamique des dépenses de protection sociale, en particulier celles relatives aux pensions et aux soins de santé, pourrait, à politique inchangée, engendrer l’apparition de déficits récurrents, la disparition graduelle des réserves et l’émergence d’une dette insoutenable», souligne la BCL.
Plus l’ajustement sera tardif, plus il sera douloureux pour les générations futures»BCL
L’organisation émet, chiffres à l’appui, une alerte rouge sur la soutenabilité du financement des retraites et avance ses propres projections de dépenses de pension, d’assurance dépendance et de soins de santé.
Tout le monde s’accorde sur les projections démographiques à l’horizon 2070 où le Luxembourg verra sa population dépasser le million d’habitants, contre 614.000 fin 2018.
Les vues convergent à peu près aussi sur le niveau des dépenses de pension par rapport au PIB. Le ratio devrait atteindre 17,9% en 2070 selon les projections du groupe de travail «Ageing working group» (AWG) de la Commission européenne, qui ont été utilisées par le gouvernement pour établir ses prévisions budgétaires. Les experts de la BCL avancent pour leur part un ratio entre 18,6 et 20%, selon l’approche.
Les réserves du régime général d’assurance pension s’élevaient fin 2018 à 19 milliards d’euros, soit 4,4 fois le montant des prestations annuelles. Mais c’est un trompe l’œil et la «bonne santé des réserves n’est qu’une illusion au vu de l’évolution démographique», fait valoir la Banque centrale.
Ajustements douloureux
Intervenue en janvier 2013, la réforme du régime général d’assurance pension prévoit qu’en cas de déficit, l’indexation des pensions aux salaires réels soit réduite de 100% à 50%. La BCL croit bon de le rappeler. Le point d’équilibre entre les rentrées et les dépenses devrait être rompu en 2036. Toujours selon les pronostics de la BCL, la réserve de l’assurance de pension tombera en 2044 sous le minimum légal fixé à 1,5 fois le montant des dépenses annuelles. En 2049, le niveau de réserve atteindra zéro.
Les experts de la BCL jugent donc la réforme urgente : «Plus l’ajustement sera tardif, plus il sera douloureux pour les générations futures», écrivent-ils.
L’Inspection générale de la sécurité sociale n’avait pas jugé utile, dans son dernier rapport rendu en 2018, de déclencher des mesures d’ajustement avant 2022. Son prochain rapport est attendu dans trois ans, soit un an avant les élections législatives, et «devrait proposer des mesures correctrices à mettre en œuvre rapidement», assure la BCL. L’institution demande au gouvernement de ne pas se contenter de surveiller de près le régime général des pensions mais de garder aussi à l’œil les régimes spéciaux, notamment ceux des fonctionnaires, qui représentent environ 23% des dépenses de pension.
La bonne santé des réserves n’est qu’une illusion au vu de l’évolution démographique.“BCL
L’évolution des dépenses de santé sont également une source d’inquiétude pour la Banque centrale. L’organisation table sur une hausse globale des dépenses santé par rapport au PIB sur la période 2016-2070 entre 2,3% et 4,5%, selon la méthode. C’est presque le double des chiffres gouvernementaux, qui ne prendraient pas suffisamment en compte les prestations de santé à fournir à la population frontalière, de plus en plus importante.
La BCL livre par ailleurs ses projections de dépenses en matière d’assurance dépendance. Dans son scénario de base, ses experts tablent sur une hausse de 343% entre 2019 et 2070 et prévoient une augmentation du nombre de bénéficiaires de 179%, de 12.935 personnes actuellement à 36.101 à l’horizon 2070.
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