Le tribunal correctionnel a rendu son verdict dans le procès opposant deux loges maçonniques à une famille de notables pour le contrôle d’une société immobilière. Les trois prévenus échappent à la prison qui était requise par le Parquet, mais écopent de peines d’amende pour escroquerie.

Aux termes d’une procédure qui a duré dix ans et qui a fait l’étalage des grands et petits secrets de la franc-maçonnerie luxembourgeoise et de l’étendue de son patrimoine, l’affaire Sasec s’est achevée en première instance ce jeudi 15 juillet par la condamnation de Jean Schleich, fils d’un ancien grand maître de la Grande Loge, et de ses deux enfants.

La 12e chambre du tribunal correctionnel de Luxembourg a infligé une peine d’amende de 10.000 euros à Jean Schleich et de 5.000 euros à chacun de ses fils, Luc et Tom. Ils sont condamnés en première instance pour s’être approprié frauduleusement les actions de la Sasec, société immobilière détenant plusieurs immeubles dans la capitale. Le patrimoine foncier a été évalué à 12 millions d’euros.

Une façon «malhonnête et peu scrupuleuse»

Les trois hommes échappent à la prison. Le substitut du procureur d’Etat avait requis 36 mois de prison contre le père et 24 mois contre ses fils ainsi que la restitution des actions de Sasec aux deux obédiences de la franc-maçonnerie. «Jean Schleich, mais également ses deux fils Luc Schleich et Tom Schleich ont procédé, tout au long du déroulement des faits, d’une façon malhonnête et peu scrupuleuse», notent les magistrats dans le jugement que Reporter.lu a consulté.

Jean Schleich, ancien membre de la Grande Loge, vivant dans l’ombre de son père Cecil qui en fut le grand maître, s’était approprié les actions au porteur de la Sasec, société constituée au début du 20e siècle pour construire et exploiter un crématoire au Luxembourg. Lorsque ce crématoire fut construit aux frais de la collectivité publique, Sasec n’avait plus de raison d’être et fut transformée en société immobilière. Son capital était éparpillé entre plusieurs familles et héritiers, sans qu’un registre des actionnaires fût tenu.

En 1990, une partie des actions au porteur fut placée dans une fondation au Liechtenstein, dont les bénéficiaires ultimes étaient la Grande Loge de Luxembourg (GLL) et le Suprême conseil du rite écossais ancien et accepté pour le Grand-Duché de Luxembourg (Sucol). «La création de la fondation au Liechtenstein n’était pas anodine, alors qu’elle était le moyen trouvé, non pas comme l’affirment les deux loges de tenir en suspens la question du droit de propriété de ces actions au porteur de la Sasec, mais bien au contraire, la clé pour résoudre définitivement cette question de propriété des actions au profit des obédiences», expliquent les juges.

Restitution des 1.107 actions et indemnisation

En 2011, Jean Schleich fit un «putsch» avec la complicité de ses deux fils sur la fondation. Le trust fut dissous à leur profit et les actions au porteur placés dans un coffre en banque établi au nom du père.

Les deux loges engagèrent alors des actions judiciaires pour récupérer le patrimoine. Aux termes d’une enquête à rebondissement, les trois hommes furent inculpés d’escroquerie et de détournement frauduleux. Tous ont participé «à l’appropriation frauduleuse pour leur compte des actions de la Sasec détenues par la fondation», souligne le jugement de la 12e chambre.

Le tribunal a ordonné la restitution des 1.107 actions aux deux confréries qui s’étaient constituées parties civiles. Les juges ont condamné les trois prévenus à indemniser la GLL à hauteur de 50.000 euros pour les frais d’avocats engagés. Ils ont déclarés infondées les demandes de préjudice moral.


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