L’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel a été déboutée dans son recours pour faire annuler des intérêts de retard sur sa dette fiscale. Le tribunal administratif, saisi du litige, a jugé la sanction justifiée pour non-respect par l’établissement public de ses obligations fiscales.
L’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (ALIA) reconnaît avoir fauté dans ses obligations fiscales, mais ses dirigeants espéraient que son statut d’établissement public lui permettrait d’échapper à la sanction. Ce calcul a échoué devant le tribunal administratif qui avait été saisi d’un recours par le gendarme de l’audiovisuel afin d’arbitrer son litige avec l’Administration des contributions directes (ACD).
A la suite d’un contrôle, les agents du fisc ont émis en mars 2019 un bulletin de retenue d’impôts sur les salaires pour les années 2014 à 2018. Les impôts étaient restés impayés depuis la création de l’ALIA en 2014. Le bulletin a également tenu compte des intérêts de retard pour un montant d’environ 42.000 euros. Ce montant était au coeur du litige devant la juridiction administrative.
Défaut de mode opératoire
L’ALIA n’a pas contesté les impayés d’impôts sur salaires, mais a tenté de justifier ses manquements, en arguant de sa bonne foi: l’établissement public comptait à ses débuts trois agents dont un directeur (mais pas de comptable) et ne disposait d’aucune information coordonnée ni de mode opératoire sur les démarches à effectuer pour se conformer à ses obligations administratives et fiscales. Du point de vue de l’ACD, l’ALIA a été inexistante pendant près de quatre ans, jusqu’en décembre 2018. L’établissement public ne disposait pas de numéro d’identification fiscale et ne l’avait pas demandé comme tout employeur lambda. Les retenues avaient pourtant bien été prélevées sur les salaires de ses agents, mais les fonds dormaient dans la trésorerie.
«Aucun des intervenants sur la comptabilité de l’ALIA n’aurait relevé cette omission», s’est justifiée l’ALIA dans la procédure devant les juges administratifs, se défendant d’avoir voulu se soustraire à l’impôt.
Trois jours avant le réveillon de Noël 2018, l’ACD fournit son numéro d’identification fiscale à l’ALIA et lui adresse trois mois plus tard les bulletins d’imposition. L’ALIA indique s’être acquittée de sa dette fiscale le 25 avril 2019, mais met en cause les intérêts de retard. Leur montant de 42.000 euros est lourd pour le petit établissement public. Il représente, selon les informations relayées dans la procédure administrative, plus de 5% de sa dotation annuelle en 2019 (837.609 euros ont été inscrits au projet de budget 2019).
«Bien que l’ALIA plaide sa bonne foi et le manque d’informations cohérentes disponibles au moment de sa création, souligne le tribunal administratif, force est de constater (qu’elle a) à travers son inaction contribué à sa situation financière actuelle».
Le rapport annuel 2019 de l’ALIA fait état d’une dette fiscale de 328.000 euros à la fin 2018. La dette s’élevait à 21.430 euros fin 2019.
Egalité devant l’impôt
Dans une première étape, le litige a été porté devant la directrice de l’ACD à travers un recours gracieux, qui est rejeté. L’affaire a débouché ensuite devant les juges administratifs. Le dossier a été confié à l’avocate et bâtonnière Valérie Dupong, qui est aussi membre du conseil d’administration de l’ALIA.
La défense a fait valoir l’argument de «l’inéquité objective»: «prélever des intérêts de retard équivaudrait à priver l’ALIA du pouvoir d’affecter sa dotation budgétaire (à ses) missions légales», indique le jugement du tribunal administratif. «L’inéquité objective, poursuit le texte, résulterait du fait qu’en privilégiant la loi fiscale qui autoriserait à prélever des intérêts de retard, l’Administration des contributions directes empêcherait l’ALIA de respecter les autres lois qui s’imposeraient à elle et de ce fait ferait prévaloir un objectif purement fiscal ou financier au détriment d’un objectif de fond».
Les juges administratifs ont rejeté en bloc l’argumentation et ont rappelé le principe de l’égalité des contribuables devant l’impôt, qu’il s’agisse de personnes de droit public ou de droit privé. Les sanctions sont identiques pour tous les contribuables en cas d’inobservation d’une prescription légale ou réglementaire. L’établissement public n’échappera donc pas au paiement des intérêts de retard.
Le jugement peut faire l’objet d’un appel devant la Cour administrative.