David Mapley a été chargé en 2018 d’enquêter sur une fraude présumée dans un compartiment du fonds d’investissement spécialisé LFP1 et de le remettre à flot. Le Britannique s’est toutefois aliéné une partie des actionnaires et la CSSF. La justice le force à renoncer à son mandat d’administrateur.

Persona non grata sur la place financière, David Mapley a épuisé presque toutes les ressources possibles et imaginables pour garder les commandes de LFP1, en dépit du ressentiment qu’il suscite auprès d’une partie des actionnaires du fonds d’investissement spécialisé (FIS). L’homme qui se présente lui-même comme un investigateur privé traquant la fraude financière a perdu coup sur coup les litiges qui l’opposaient à des investisseurs de LFP1 et à la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF).

Personnage clivant, Mapley a échoué à faire annuler une décision de la CSSF lui ayant retiré en mai 2020 et pour quatre ans son honorabilité, condition indispensable pour être dirigeant ou administrateur dans des entités soumises au contrôle du gendarme de la place financière. Ce dernier reprochait au Britannique de ne pas avoir dit toute la vérité sur son parcours professionnel pour obtenir en septembre 2018 un agrément, notamment de se prévaloir d’un diplôme universitaire qu’il ne possédait pas et d’avoir dissimulé son implication dans des faillites.

Paralysie totale

Ce retrait d’honorabilité l’oblige de fait à renoncer à son mandat d’administrateur de LFP1. Or, Mapley refuse obstinément de démissionner et veut plus que jamais investiguer sur une fraude dont il soupçonne certains actionnaires et investisseurs du fonds. Il ne veut pas non plus convoquer d’assemblée générale extraordinaire de LFP1, comme le souhaite pourtant depuis plusieurs mois une frange d’investisseurs représentant plus de 25% des actions. Du coup, le FIS est figé dans la paralysie totale. LFP1 n’a plus de banque dépositaire. De plus, la CSSF l’a retiré en juillet 2019 de sa liste officielle des fonds d’investissement.

Il a donc fallu faire appel aux juges pour tenter de débloquer la situation. Saisi en matière de référé par des actionnaires, pour l’essentiel des ressortissants d’Israël, le tribunal de commerce a rendu le 30 octobre une ordonnance qui devrait fournir des pistes de sortie de crise. L’avocat Christian Steinmetz a ainsi été mandaté pour convoquer une assemblée générale extraordinaire et mettre au vote la révocation des administrateurs, dont David Mapley, et la nomination de nouveaux mandataires du fonds d’investissement.

L’assemblée a été convoquée pour le 23 novembre à l’hôtel Novotel du Kirchberg et promet de donner lieu à des débats animés.

Accusations de dépenses ostentatoires

La procédure en référé a donné lieu à un déballage de linge sale entre une partie de l’actionnariat de LFP1 et son conseil d’administration qui se livrent une guerre des nerfs depuis des mois à coup de menaces, de propos diffamatoires et d’accusations de dépenses ostentatoires. Car avant d’être mis au ban par la CSSF, Mapley était apparu comme un sauveur suite à des pertes financières colossales (50 millions d’euros) dans un des compartiments du FIS et des soupçons de malversations et de fraudes. Il avait été appelé à la rescousse pour remettre le fonds à flot. Mais les choses ne se sont pas passées comme il l’a souhaité. Ses méthodes brutales de management lui ont valu l’animosité d’une partie des investisseurs.

Au sein même du conseil d’administration de LFP1, des fissures sont également apparues entre ses trois membres. L’un d’eux s’étant distancié par rapport aux deux autres, comme en témoigne la procédure devant le tribunal de commerce.

Pas d’intervention de la CSSF

Le juge pour sa part n’a pas voulu entrer dans le jeu des accusations ni se prononcer sur les reproches que les différentes parties se jettent à la face: «Il appartiendra (…) à l’assemblée générale du Fonds de discuter des reproches ainsi formulés et de prendre les décisions qu’elle considérera nécessaires dans ce contexte», écrit le magistrat dans son ordonnance de 26 pages dont l’essentiel porte sur des questions de pure procédure et de recevabilité.

Citée dans le recours, la CSSF s’est refusée à intervenir dans la procédure, considérant que ses attributions dans le cadre de la loi de 2007 sur les FIS lui commandaient d’intervenir exclusivement dans l’intérêt public. Ce que l’ordonnance a confirmé: «La CSSF (…) n’est pas susceptible d’intervenir dans un procès opposant des intérêts privés, tel qu’en l’espèce».

En marge de ce litige devant la juridiction commerciale, David Mapley avait saisi le tribunal administratif d’un recours afin de faire annuler le retrait de son honorabilité au printemps dernier.

La juridiction a rendu son jugement le 30 octobre, rejetant le recours du Britannique pour l’avoir introduit hors des délais prévus de trois mois.

Pour autant, l’affaire LFP1 et la fraude présumée de 50 millions d’euros sont loin de connaître un épilogue. Quant à David Mapley, il n’a peut-être pas dit son dernier mot.


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