Un train qui démarre quand des passagers déchargent leurs vélos et une chute sous la rame qui se serait produite dans l’indifférence du personnel naviguant. La CFL est au cœur d’une plainte pour coups et blessures. Une enquête interne est en cours pour identifier les éventuelles défaillances de sécurité.
Un accident de train à Heisdorf samedi 12 juin qui a failli virer au drame va bien au-delà du fait divers et pose des questions sur la gouvernance de la CFL et sa culture de sécurité, qui avaient déjà été mises à rude épreuve en octobre 2006, après une erreur d’aiguillage qui fit 6 morts et envoya 4 cheminots en prison. Une plainte avec constitution de partie civile contre la CFL qu’un usager vient de déposer au cabinet du juge d’instruction, notamment pour coups et blessures volontaires, devrait relancer le débat sur la sécurité dans les trains.
Frank* a pris le train avec son épouse le 12 juin en direction de l’Oesling. Ils y ont embarqué leurs vélos. Au point d’arrêt de Heisdorf, qui est une simple halte non gardée, ils ont été victimes, selon leur avocat Me Jean-Paul Noesen, «d’un grave accident ferroviaire».
Le passager était toujours en train de décharger son vélo et se trouvait à quai tandis que sa femme lui tendait le vélo lorsque le train s’est remis en marche «sans aucun avertissement acoustique», «sans prêter la moindre attention à l’incident» et en l’absence de personnel d’accompagnement, affirme leur avocat dans la plainte avec constitution de partie civile que Reporter.lu a pu consulter.
Absence de personnel
Au redémarrage, l’homme a été poussé par le vélo sous la rame. «C’est par miracle que mon client n’a pas été décapité», assure l’avocat dans sa plainte. L’épouse de Frank a pour sa part été légèrement blessée lors de l’accident. La police de Mersch s’est rendue sur les lieux de l’accident pour dresser un procès-verbal. Le couple a été interrogé quelques jours après l’accident afin de finaliser le procès-verbal.
Jean-Paul Noesen, qui a déjà défendu des victimes d’un accident ferroviaire au Luxembourg, dit craindre, de par cette expérience professionnelle, une déperdition des preuves, notamment les enregistrements vidéo qui permettraient d’étayer le témoignage du couple.
L’avocat a requis du juge d’instruction la saisie et l’exploitation des enregistrements de la rame de train et au point d’arrêt de Heisdorf. Il demande aussi la saisie des données recueillies par les appareils d’enregistrement des déplacements du convoi, soit l’équivalent de la «boîte noire» du train.
Me Noesen réclame en outre que le personnel naviguant, conducteur du train et agents d’accompagnement de service sur la ligne le 12 juin, soient identifiés et que leurs communications GSM soient également investiguées à l’heure où l’accident s’est produit. Il demande au cabinet d’instruction «d’agir avec célérité avant que les éléments de preuve sensibles ne disparaissent».
Investigations en cours
Contacté par Reporter.lu, le service communication de la CFL a confirmé la survenance de l’accident du 12 juin dernier et l’ouverture d’une enquête interne, mais a refusé, à ce stade, de commenter l’affaire: «Les CFL ont en effet reçu un signalement d’un incident qui se serait produit à Heisdorf. Nous procédons actuellement aux investigations nécessaires. A ce stade nous ne pouvons pas en dire plus», a fait savoir sa porte-parole.
La CFL avait totalement revu sa culture d’entreprise et ses protocoles de sécurité après l’accident de train à Zoufftgen qui avait fait six morts en octobre 2006, après une erreur d’aiguillage. L’enquête judiciaire avait montré que l’accident s’était produit à la suite d’une série de négligences et de défaillances humaines graves.
Sept ans après ce drame, Doris Horvath, secrétaire générale de la CFL, expliquait dans Le Quotidien que «la sécurité était avant tout une affaire humaine» et que sa société avait atteint «un haut niveau de culture de sécurité». «Les systèmes techniques peuvent être défaillants ou hors service. Dans ce cas, il importe que l’homme soit bien formé et consciencieux dans toutes les circonstances. Chaque accident, comme celui de Zoufftgen, est la concordance de plusieurs circonstances», expliquait la responsable de la sécurité et de la sûreté de la compagnie nationale.
* Le prénom a été changé par la Rédaction.