Le Conseil de la concurrence a lancé une enquête sur le fonctionnement du marché pharmaceutique déjà en 2019. L’enquête devait être publiée l’année dernière, mais la crise sanitaire a reculé sa parution. Les gardiens de la concurrence s’intéressent notamment aux pratiques des grossistes.

La crise sanitaire a mis en suspens l’enquête du Conseil de la concurrence dans le secteur pharmaceutique pour percer les mécanismes du marché du médicament et de ses prix. «L’enquête était presque terminée lorsque la crise du Covid a surgi», explique Pierre Barthelmé, président du Conseil de la concurrence dans un entretien à Reporter.lu.

L’autorité de la concurrence est habilitée à se saisir d’une enquête lorsqu’un secteur de l’économie lui parait problématique. «Les enquêtes sectorielles resteront l’outil de choix pour décrypter la dynamique des marchés sur lesquels la concurrence effective paraît faible», signalait Barthelmé dans le rapport annuel 2019.

Le Covid-19 a bouleversé le calendrier. La crise, les difficultés d’approvisionnement – gels, masques notamment – et les ruptures de stock de certains médicaments ont exigé une actualisation de l’enquête. «Le conseil a estimé préférable de prendre en compte les effets de la pandémie pour actualiser les résultats de son enquête qui seront publiés en temps utile», explique le président de l’autorité dans le rapport annuel 2020.

Marché très réglementé

Sur le marché luxembourgeois en théorie très réglementé où les prix des médicaments sont fixés par le ministère de la Sécurité sociale – à tout le moins les médicaments sur prescription médicale pris en charge par l’assurance maladie – le Conseil de la concurrence cherche quand même à traquer les pratiques anticoncurrentielles: abus de position dominante ou freins à l’entrée de médicaments génériques, par exemple.

Le système de ristournes mis en place par des grossistes auprès des pharmacies du pays pour gagner des parts de marché – et qui a donné lieu à des abus et des fraudes – sera probablement scruté avec attention. Les méthodes de commercialisation des producteurs de médicaments génériques devraient également être passées à la loupe.

L’enquête vise à comprendre le fonctionnement marché, mais pourrait, le cas échéant, déboucher sur des investigations plus poussées de l’autorité sur des pratiques anticoncurrentielles des opérateurs. Elle s’inscrit dans la ligne que la Commission européenne a tracée en 2019 pour «permettre aux patients et aux systèmes de soin de santé (…) d’avoir accès à des médicaments abordables et innovants».

Pratiques illicites en Europe

Les services de la concurrence de Bruxelles se sont intéressés à des pratiques illicites dans la fourniture de médicaments, entre autres les accords pour retarder la mise sur le marché de génériques. L’enquête de la Commission avait abouti à des amendes totalisant plus d’un milliard d’euros pour des infractions aux règles de la concurrence.

En 2018, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait pour sa part publié un rapport sur les prix excessifs sur les marchés pharmaceutiques. «Les coûts et les structures de tarification du marché pharmaceutique sont souvent opaques et le degré d’innovation et la valeur de nouveaux traitements de plus en plus coûteux soulèvent des questions légitimes», notaient les auteurs. «Les prix excessifs (sont) rarement réprimés par les autorités de la concurrence», soulignait encore l’OCDE.

L’enquête sectorielle sera finalisée à la rentrée de septembre et sera rendue publique au plus tard fin 2021, assure Pierre Barthelmé.


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