L’Alia a livré un avis négatif au gouvernement sur la venue au Luxembourg du groupe audiovisuel privé hongrois Network4. Sa demande de licences de télévision n’est pas assortie de garanties suffisantes sur les bénéfices que le Luxembourg pourrait en tirer, en termes d’emploi notamment.

Il n’y aura peut-être pas de tapis rouge déployé au Luxembourg sous les souliers d’Andras Borsany-Gyenes, entrepreneur hongrois de l’audiovisuel qui cherche à développer son groupe Network4 hors de Budapest.

Network4, par l’intermédiaire de sa société luxembourgeoise Network4 Media Group, a soumis au Service des Médias et des Communications et du Numérique (qui dépend du ministère d’Etat) une demande d’exploitation de cinq concessions pour des services de télévision par satellite. Cette demande concerne les chaînes TV4, Story4, Galaxy4, Film4 et Arena4, sous licence hongroise.

Le dossier Network4 était assorti d’informations sur les programmes envisagés ainsi qu’un plan d’affaires, qui laisse les autorités luxembourgeoises plutôt dubitatives sur les intentions du groupe. La demande a été relayée pour avis le 10 avril dernier à l’autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (Alia), qui a rendu un avis dix jours plus tard et a pris plus d’un mois avant de le publier sur son site Internet.

Chasse aux boîtes aux lettres

Décision rarissime, le conseil d’administration de l’Alia a rendu un verdict négatif, jugeant que le dossier présenté manquait de consistance et de garanties sur la substance que ses dirigeants entendaient mettre au Luxembourg.

La loi sur les médias électroniques exige des fournisseurs de services audiovisuels non seulement un siège social mais aussi la présence «d’une partie significative» des effectifs employés à ses activités. Les décisions éditoriales doivent être prises au Grand-Duché, ce qui oblige par exemple tous les dirigeants de RTL Belux, qui exploitent les chaînes RTL TVi et Plug RTL sous concession luxembourgeoise, à se rendre une fois par mois au Kirchberg pour se conformer à la législation.

Les temps ont alors changé et le Luxembourg n’est plus le sanctuaire européen des groupes audiovisuels en quête de régulation soft, de fiscalité réduite et de chemins courts avec le pouvoir. L’entretien d’une boîte aux lettres ne suffit plus à justifier une présence au Grand-Duché. L’octroi de licences de télévision est désormais conditionné à l’apport d’une vraie valeur ajoutée à l’écosystème luxembourgeois, principalement en termes d’emplois créés.

«Nous nous posons des questions»

Contacté par REPORTER, Thierry Hoscheit, président de l’autorité, n’a pas caché ses craintes que la présence grand-ducale de Network4 se réduise à une simple société boîte aux lettres sans valeur ajoutée pour l’économie luxembourgeoise. «Nous nous posons des questions», a-t-il indiqué.

L’avis qu’il a signé avec les quatre autres membres du conseil soulève de nombreux doutes sur la substance de l’entité luxembourgeoise dotée d’une seule administratrice résidente, les autres administrateurs étant domiciliés en Hongrie. Les statuts de la sarl luxembourgeoise (qui fut autrefois une société de services administratifs et de paye), ne mentionnent pas l’existence d’un délégué à la gestion journalière, ce qui laisse supposer que le groupe serait géré depuis des bureaux à Budapest.

Les interrogations portent aussi sur l’ampleur de la main d’œuvre prévue au Luxembourg, les contenus des chaînes jugés «très clairsemés» et l’absence de plan d’affaires substantiel. «Le détail des émissions prévues ainsi qu’une grille de programmes exhaustive pour chaque programme font défaut», souligne l’Alia. «Les informations concernant le plan d’affaires (…) manquent de substance dans la mesure où elles se limitent à des données chiffrées sans détail supplémentaires ni hypothèses sous-jacentes», poursuit le régulateur pour lequel des «clarifications» sont nécessaires.

Xavier Bettel devra trancher

Le dossier est revenu au SMC et attend maintenant une décision politique. Deux hypothèses se présentent au Ministre des Communications et des Médias Xavier Bettel. Soit il va devant le Conseil de gouvernement pour obtenir un feu vert et passe outre l’avis de l’Alia, qui de toute façon ne l’oblige pas, les prises de position du régulateur n’étant pas contraignantes. Soit il demande aux dirigeants de Network4 de revoir leur dossier. «Le SMC est en train d’analyser l’avis de l’Alia» a fait savoir sa porte-parole tout en précisant qu’il n’y a pas eu, à ce stade, de démarches vis-à-vis du groupe hongrois afin qu’il révise ses plans luxembourgeois.

Interrogé par le site spécialisé Media1, Andras Borsany-Gyenes le CEO de Network4, explique que son petit groupe ne cherche ni à délocaliser ses chaînes au Luxembourg, ni à échapper à Mediatancs, l’autorité hongroise de l’audiovisuel sous tutelle du parti Fidez au pouvoir, mais vise plutôt une expansion internationale. «Network4 se prépare à une expansion internationale, lance de nouvelles chaînes dans d’autres pays et pour s’y préparer, nous avons besoin de demander des licences de services médias, l’objectif n’étant donc pas de délocaliser les chaînes hongroises Story4, Film4, TV4, Galaxy4, Arena4» a-t-il déclaré.

Le CEO explique aussi avoir revu ses plans à la lumière des observations de l’Alia et espère que le gouvernement luxembourgeois soutiendra la demande de licences. Il indique vouloir lancer la diffusion des chaînes au quatrième trimestre de 2020.