Le nom de Loris Mariotto, l’homme par qui le scandale du Srel est arrivé, réapparaît dans une affaire judiciaire entre des clubs de karaté et leur fédération. Les conditions de l’élection de l’ex-championne Tessy Scholtes à la tête d’un comité soulève la controverse. La participation de Mariotto aussi.
Le karaté luxembourgeois et la Fédération luxembourgeoise des arts martiaux (Flam) vivent une mauvaise passe. Les clubs ont engagé une lutte de pouvoir entre eux et se disputent l’accès à la supervision de la discipline au sein du comité karaté. Leur conflit a rebondi le 30 juin dernier devant la Cour d’appel. Saisie à la demande du Karaté Club de Strassen, la juridiction doit trancher sur la régularité de l’élection anticipée à l’automne 2019 d’un nouveau comité national de la discipline au sein de la fédération. Cette élection a hissé à sa tête, Tessy Scholtes, ex-vice-championne du monde et ancienne députée CSV (2011-2013) dans des conditions assez controversées.
Le litige devant la Cour a été initié par le Karaté Club de Strassen, qui est l’une des plus importantes associations de la discipline. A l’issue des élections anticipées du 25 septembre 2019, son président Jean-Claude Roob avait été évincé de la présidence du comité sortant. Or, le mandat aurait dû s’achever en 2022. Strassen juge que rien ne justifiait la tenue du scrutin. Les enjeux sportifs sont importants, le comité sélectionnant les athlètes susceptibles de participer aux jeux Olympiques.
Un seul membre, qui a usurpé l’identité d’un club en raison d’une faille dans les statuts. Il s’agit de Mariotto, celui qui a fait tourner le Grand-Duché en bourrique.»Me Jean-Jacques Schonckert
Le nom de Loris Mariotto, qui, à côté de ses activités de dirigeant d’une société de systèmes de sécurité, est un instructeur de karaté au Club de Luxembourg-Belair, a été abondamment cité à l’audience du mois dernier. Son rôle et celui de son épouse ont été déterminants dans le résultat de l’élection du 25 septembre. Leurs deux voix se sont ajoutées à celles d’autres représentants d’associations pour permettre l’arrivée de la nouvelle équipe. Toutefois, la régularité de leur participation est au cœur de la controverse devant les tribunaux.
Partie civile dans le procès Srel, Mariotto a été un des hommes clés de l’affaire qui a éclaboussé le Service de renseignement de l’Etat et ses écoutes controversées. Ancien informateur du service secret, il avait assuré être en possession d’un enregistrement au palais entre le Grand-Duc Henri et le Premier ministre Jean-Claude Juncker, CSV, que des employés de la Cour lui auraient remis. L’enquête sur la réalité de cet enregistrement n’a abouti à aucun résultat. L’affaire du Srel a en revanche valu son poste de chef de gouvernement à Jean-Claude Juncker et des élections anticipées fin 2013.
Coup d’éclats et irrégularités
L’élection de l’automne 2019 a été l’occasion d’une revanche des petites organisations de karaté qui contestent depuis des années la toute-puissance des grands clubs, jugés surreprésentés au sein de la Flam. Ce coup d’éclats aurait toutefois été assorti d’irrégularités. Ainsi, des clubs auraient participé au scrutin sans autorisation adéquate, certaines délégations auraient été sous-représentées et des signatures seraient suspectes.
Le procès en appel a donné lieu à un étalage de dysfonctionnements au sein de la fédération des arts martiaux qui ont permis l’éviction de l’ancien comité et la venue de Tessy Scholtes à sa présidence.
Loris Mariotto est ainsi soupçonné d’avoir usurpé l’identité d’une déléguée d’un club de la capitale, le Karaté Club Luxembourg-Luxembourg, alors qu’il n’était pas en possession d’une licence valable de ce club dont il avait été un des fondateurs à la fin des années 1960 avant de rompre avec ses dirigeants dans les années 2000. Comme l’a assuré Me Schonckert à l’audience du 30 juin, la fédération elle-même aurait été abusée par Mariotto. «Je ne fais aucun procès d’intention à la Flam, j’estime qu’elle a été abusée par des faux et l’usage des faux», a indiqué l’avocat.
Loris Mariotto s’est vu également reprocher l’utilisation de la délégation de son épouse, à laquelle un pouvoir de signature fut accordé peu avant l’assemblée pour le KC de Belair, pour voter deux fois, ce qui serait susceptible d’invalider le scrutin de septembre. «Un seul membre, qui a usurpé l’identité d’un club en raison d’une faille dans les statuts. Il s’agit de Mariotto, celui qui a fait tourner le Grand-Duché en bourrique. C’est le même qui s’immisce dans les arts martiaux», a assuré à l’audience Me Jean-Jacques Schonckert, avocat du KC Strassen. «Les affaires avec Monsieur Mariotto, ça ne nous intéresse pas trop, nous c’est le droit qui nous intéresse», lui a rétorqué la juge de la Cour d’appel Karin Guillaume, appelée à trancher le litige. Le verdict est attendu pour le 22 juillet.
En première instance, le tribunal avait rejeté l’argument de l’irrégularité des délibérations du 25 septembre 2019 du fait de l’admission au vote de Mariotto.