Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a tranché le 20 décembre dernier un litige opposant un jeune avocat à l’Agence pour le développement de l’emploi (ADEM). Cette administration refusait de faire droit à la demande de prestations de chômage, auxquels les indépendants peuvent prétendre, parce que le jeune homme ne s’était pas désinscrit du Barreau. En janvier 2020, l’étude d’avocats, pour laquelle il travaillait pour un forfait de 4.400 euros bruts par mois, a mis fin à son «contrat de partenariat», avec un préavis de deux mois et sans motif de rupture. Les honoraires éventuels tirés des propres dossiers de l’avocat étaient inclus dans les honoraires. En échange, l’avocat pouvait utiliser librement l’infrastructure du cabinet comme la salle de réunion, le secrétariat, la bibliothèque et le matériel informatique.
Sans activité, ni revenus, désaffilié auprès du Centre commun de la sécurité sociale, l’avocat fit valoir ses droits à des indemnités chômage complètes, comme l’y autorise le statut d’indépendant. Il essuya toutefois une fin de non-recevoir de l’ADEM. Ce refus reposait sur l’hypothèse que le maintien de l’inscription de l’avocat au tableau des avocats du Barreau de Luxembourg pouvait supposément lui rapporter de l’activité tirée d’une clientèle privée. Or, en signant le contrat de prestation, le jeune homme avait renoncé à récupérer ses clients en cas de départ de l’étude. Il n’avait pas non plus les moyens nécessaires pour s’établir à son compte. L’ADEM a toutefois exigé du jeune homme qu’il démissionne du Barreau, avant de prétendre à ses prestations. Le demandeur d’emploi avait pourtant fourni les preuves de ses pertes de revenus en produisant à l’administration ses déclarations fiscales. Le jeune avocat a retrouvé du travail dans une étude en juin 2020.
Le refus de l’ADEM fut contesté initialement devant la Commission spéciale de réexamen (CSR). Sans succès. «Il n’y a jamais eu cessation de l’activité indépendante du fait que la partie requérante refuse de déposer sa démission au sein du Barreau (…) au motif que l’inscription au Barreau augmente ses chances de réintégration sur le marché du travail», argumentèrent ses interlocuteurs. «La Commission spéciale de réexamen est d’avis (qu’il) n’a pas cessé son activité indépendante», se fit encore entendre dire le demandeur d’emploi. Saisi d’un recours, le Conseil arbitral de la sécurité sociale prit une décision à contre-courant. La juridiction fit droit en juillet 2021 aux prétentions de l’avocat, considérant que la CSR avait fait une fausse interprétation du code du travail.
Le dispositif permet aux salariés indépendants ayant dû cesser leur activité en raison de difficultés économiques et financières, pour des raisons médicales ou par le fait d’un tiers ou par un cas de force majeure de bénéficier de prestations chômage.
L’ADEM interjeta néanmoins appel de la décision. «C’est à bon droit (qu’elle) a conditionné le paiement de l’indemnité de chômage complet à la désinscription de l’intimé au Barreau. L’Etat (lui) reproche de ne pas avoir entrepris de démarches afin de poursuivre son activité d’avocat après la résiliation du contrat de collaboration», fit valoir l’avocat de l’Etat selon le résumé que firent les juges dans la procédure en appel devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale. «L’intimé a prouvé à suffisance de droit que par l’effet de la résiliation du contrat de collaboration (…), il a dû cesser, et qu’il a effectivement cessé, son activité d’avocat indépendant», souligne l’arrêt du 20 décembre qui met fin à l’acharnement de l’ADEM. (VP)