Inchangées depuis dix ans, les indemnités de l’aide judiciaire vont augmenter de 10%. La décision du gouvernement correspond à un simple rattrapage, car le taux horaire servi aux avocats avait été désindexé en 2010 par la coalition CSV-LSAP. Pourtant une réforme de l’assistance judiciaire est en vue.

L’aide judiciaire, qui donne aux personnes vulnérables un accès à la justice, principalement pour les affaires familiales, a toujours été un serpent de mer pour les ministres de la Justice qui se sont succédé depuis dix ans.

François Biltgen, l’ancien ministre CSV de la Justice, s’était aliéné le Barreau en 2010 lorsqu’il a voulu tailler dans les tarifs horaires qui sont servis aux avocats. Au sortir de la crise financière, l’Etat cherchait alors à faire des économies tous azimuts et à maîtriser les dépenses qui dérapent à ses yeux.

Contre une justice à deux vitesses

Face au tollé que son projet suscita et les craintes d’une justice à deux vitesses, une pour les riches et une autre pour les pauvres, François Biltgen dut reculer. Le ministre CSV, actuel juge à la Cour de Justice de l’UE, parvint toutefois à faire passer, le 30 décembre 2011, un règlement grand-ducal qui scella la désindexation des indemnités de l’assistance judiciaire.

Il était important pour moi de réévaluer cette aide judiciaire qui n’avait pas évolué depuis presque dix ans»Sam Tanson, ministre de la Justice

En juillet 2010, le taux horaire était de 59,39 euros pour les avocats de la liste 2 (stagiaires) et de 89,18 euros pour les avocats de la liste 1 (avocats à la cour). En 2011, ces tarifs seront abaissés à respectivement 58 et 87 euros. Depuis lors, la réforme de l’aide judiciaire est au menu des ministres de la Justice et des bâtonniers successifs, sans que le dossier ait beaucoup avancé en près d’une décennie.

Réforme de l’assistance judiciaire en vue

Les espoirs de revalorisation des tarifs furent placés dans l’arrivée fin 2013 d’un ministre vert, Felix Braz, à la chancellerie. Les discussions avec le Barreau portèrent alors sur une forfaitisation horaire des prestations des avocats dans le cadre de l’aide judiciaire, en fonction des dossiers et de leur complexité (divorces, recours de réfugiés, etc.). L’idée fut toujours de garder les dépenses sous contrôle. Face aux positions inconciliables entre le ministère de la Justice d’un côté et les représentants des avocats de l’autre, le projet de forfait fut définitivement abandonné début 2018.

D’autres pistes s’ouvrirent alors pour améliorer le sort des avocats, souvent jeunes, dont certains vivent principalement de l’aide judiciaire. Un groupe de travail au ministère de la Justice planche en concertation avec le Barreau sur une réforme de grande envergure de l’assistance judiciaire, indique à REPORTER Sam Tanson, la ministre de la Justice (Dei Gréng). La réforme pourrait ainsi élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide judiciaire, aujourd’hui réservée aux seuls allocataires du revenu minimum garanti. Rien n’est figé.

L’équivalent de quatre tranches indiciaires

En attendant, la ministre a fait passer le 20 mai dernier au Conseil de gouvernement un projet de règlement grand-ducal qui augmente de 10% les tarifs horaires de l’aide judiciaire. Ils s’élèveront à 64 euros pour les avocats de la liste 2 et 96 euros pour ceux de la liste 1. «Il était important pour moi de réévaluer cette aide judiciaire qui n’avait pas évolué depuis presque dix ans», souligne Sam Tanson.

Intervenue au sortir de la crise sanitaire, cette hausse est surtout un rattrapage tarifaire, correspondant à quatre tranches indiciaires. Elle intervient alors que le Barreau revendique l’introduction d’un revenu de remplacement pour des avocats en cas de perte de 80% de revenus, comme ce fut le cas pour beaucoup d’entre eux lorsque le Covid-19 a paralysé toute l’activité de la cité judiciaire.