La réforme du Code de procédure pénale avance à petits pas. La ministre de la Justice a signé un projet de loi étendant les gardes à vue à 48 heures pour les affaires complexes. Le texte donnera aussi aux juges répressifs la compétence de se saisir des meurtres de Luxembourgeois commis à l’étranger.
La ministre de la Justice donne des moyens supplémentaires aux magistrats pour réprimer la criminalité. Sam Tanson (Déi Gréng) a déposé mercredi à la Chambre des députés un projet de loi aménageant le code de procédure pénale. La réforme est le fruit d’un groupe de travail informel ayant réuni des magistrats, des fonctionnaires et des avocats pénalistes. Elle apporte des correctifs dans le dispositif répressif, mais pas d’innovations majeures.
Le droit de poursuite des auteurs de crimes ou de délits commis à l’étranger sur un Luxembourgeois ou un résident luxembourgeois est un des points saillants de la réforme. L’extension des règles de compétence territoriale internationale va combler une lacune du code de procédure pénale.
Construction juridique artificielle
A l’heure actuelle, les juridictions répressives luxembourgeoises ne peuvent engager de poursuites contre des étrangers et commises hors du territoire que pour certaines infractions pénales: terrorisme, faux-monnayage, corruption, trafic d’influence, enlèvement de mineurs, viol, traite des êtres humains, proxénétisme ou pratique de l’excision. La liste n’est pas exhaustive. Le dispositif ne couvre pas le meurtre ni l’assassinat, qui sont pourtant les crimes les plus graves du Code pénal.
Cette faille avait posé de sérieux problèmes aux autorités lors de l’assassinat en 2011 d’un septuagénaire luxembourgeois lors de son voyage de noces au Brésil. L’homme était tombé dans un guet-apens tendu par son épouse et une de ses amies, toutes deux Brésiliennes.
La justice brésilienne se désintéressa de cette affaire de meurtre crapuleux. Pour contourner les problèmes d’incompétence du juge pénal luxembourgeois à se saisir, on a eu recours «à une construction juridique artificielle» ayant permis de juger les deux femmes au Grand-Duché. Elles y résidaient encore dans l’attente de l’héritage du défunt mari.
Révision du procès?
L’astuce de l’enquête consista à retenir que les deux complices avaient planifié l’assassinat à partir du Luxembourg. Elles furent condamnées à de lourdes peines en 2015 et 2016. «Il ne fait pas de doute que si l’infraction n’avait pas été planifiée au Grand-Duché, mais seulement au Brésil, ou s’il n’y avait pas eu de préméditation, la compétence territoriale des juridictions luxembourgeoises n’aurait pas pu être retenue et le crime serait vraisemblablement resté impuni», reconnaissent les auteurs du projet de loi.
Le meurtrier présumé, fils de l’épouse et ressortissant brésilien, n’a d’ailleurs jamais été inquiété par la justice.
Cet aveu des autorités du recours à un stratagème pour contourner les défaillances du droit pénal, pourrait d’ailleurs se retourner contre elles et ouvrir une révision du procès des deux femmes. L’un de leurs avocats avait fait valoir lors du procès en première instance l’irrecevabilité des poursuites pour cause d’incompétence territoriale. Ce point ne fut pas retenu parce que l’avocat en question rendit son mandat en plein procès. L’affaire pourrait être réanimée.
Il ne saurait en être fait usage de façon systématique pour des raison de simple commodité ou en utilisant une motivation standardisée. »Exposé des motifs du projet de loi
Un autre volet du projet de loi porte sur l’extension des délais de garde à vue des auteurs présumés d’infractions. La durée maximum de rétention des suspects pour être interrogés par la police judiciaire avant d’être déférés devant un juge et de pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat va passer à 48 heures au lieu de 24 heures actuellement.
Une garde à vue de deux jours est déjà prévue pour les affaires de terrorisme.
Soupape de sécurité
Cette extension avait été demandée par le cabinet d’instruction qui se plaignait du manque de temps pour faire exécuter toute une série de devoirs d’enquête en raison des lourdes procédures administratives garantissant les droits des personnes privées de liberté. Ces procédures avaient été introduites en 2017, lors d’une précédente réforme. Elles posaient notamment de «grandes difficultés» aux policiers dans les affaires complexes où il s’agit d’aller vite pour ne pas voir les preuves dépérir. Les interrogatoires étaient souvent bâclés faute de temps ou réalisés en dernière minute.
La prolongation de la garde à vue de 24 heures ne pourra toutefois se faire qu’à titre exceptionnel, en cas d’indices graves de culpabilité et de circonstances particulières. Le juge devra d’ailleurs motiver la demande de délai supplémentaire. La notion de «circonstance particulière» sera encadrée et ne pourra valoir que dans des affaires complexes ou faisant intervenir un nombre important de suspects.
«S’il existe de solides raisons de permettre dans des cas exceptionnels de prolonger le délai de présentation de 24 heures, il s’entend que le recours à cette solution ne se conçoit qu’à titre de soupape de sécurité dans des cas exceptionnels au regard des circonstances particulières de l’espèce», souligne l’exposé des motifs. «En aucun cas, poursuit le texte, il ne saurait en être fait usage de façon systématique pour des raison de simple commodité ou en utilisant une motivation standardisée».
Enregistrement des audiences zappé
Aucun recours n’est prévu contre les gardes à vue XXL.
En guise de compensation, les avocats des suspects qui sont appelés après une garde à vue de 48 heures, verront leur temps de consultation du dossier avant le premier interrogatoire de leur client devant le juge d’instruction rallongé à une heure. Lors d’une rétention «standard» de 24 heures, la défense dispose de 30 minutes pour prendre connaissance du dossier. Leur temps sera donc lui aussi doublé.
Selon les informations de Reporter.lu, le groupe de travail informel aurait également planché sur la question de l’enregistrement des audiences. Mais compte tenu de la complexité et du coût de l’introduction d’un tel dispositif dans les prétoires, ce projet n’a pas été retenu dans le projet de loi.