Fin juillet, la presse spéculait sur une revente de l’entreprise de sécurité informatique NSO. Le fonds Novalpina, qui possède deux tiers de NSO depuis 2019, serait sur le point d’être évincé par la Berkeley Research Group. Un tour dans le LBR confirme l’arrivée des Californiens.
Ce n’est pas la première fois que NSO, la firme israélienne accusée d’avoir laissé des gouvernements autoritaires utiliser ses logiciels pour cibler des activistes et des journalistes, passe sous pavillon californien. En 2014 déjà, NSO, alors une start-up parmi tant d’autres, est reprise par la firme d’investissement californienne Francisco Partners. Dès lors, avec l’enregistrement d’OSY Technologies, le financement du créateur de logiciels d’espionnage – dont «Pegasus» – passe par le Luxembourg. Sous l’égide de Francisco Partners, la structure va connaître une expansion européenne aussi bien en Chypre, qu’en Bulgarie – où NSO avait obtenu avec succès des licences d’exportation pour ses produits à partir de pays membres de l’UE.
En 2019, Francisco Partners quitte le navire et NSO Group est repris par ses fondateurs, épaulé en cela par la firme de Private Equity londonienne Novalpina – qui a dans son portefeuille aussi les casinos de la Olympic Entertainment Group estonienne et le laboratoire pharmaceutique français X.O. Fondée par Stephen Peel, un ex-champion olympique d’aviron et ses partenaires Stefan Kowski et Bastian Lueken, Novalpina acquiert deux tiers de NSO et change profondément la structure financière.
Stephen Peel de retour aux manettes
Désormais, NSO fait part d’une construction pyramidale d’emboîtements de Sociétés de Participation Financière (Soparfis) et de Sociétés en commandite spéciale (SCSp) qui sont majoritairement logés au Grand-Duché. Un rapport d’Amnesty International, Privacy International et de l’ONG SOMO sorti en mai détaille l’évolution de NSO sous ses différentes formes.
Dans les feux des projecteurs depuis la publication du «Pegasus Project» par un collectif de journalistes coordonné par l’ONG parisienne «Forbidden Stories», le fabricant de logiciels d’espionnage israélien NSO est dans de mauvais draps. S’y ajoute une lutte pour l’influence au sein de Novalpina qui a occupé les tribunaux luxembourgeois.
Selon des changements récents au Luxembourg Business Registry (LBR), Stephen Peel est de nouveau gérant de la société de laquelle ses associés Stefan Kowski et Bastian Lueken voulaient l’évincer. S’ils restent pourtant associés de Novalpina Capital Group avec Peel, qui y a repris aussi ses parts – rétrocédées par sa femme Yana Peel, qui ne voulait pas les garder car la présence de NSO entachait ses activités de philanthropie – l’entrée de la société de conseil Berkeley Research Group (BRG) se fait remarquer à plusieurs niveaux.
D’abord la reprise de la SCSp Novalpina Capital Partners (désormais appelée NOAL SCSp) par la BRG NOAL GP, une Soparfi contrôlée par BRG Asset Management, LLC aux États-Unis – enregistrée vers la mi-août. Puis, par l’entrée du directeur et «Chief Operating Officer» de BRG Asset Management et de leur chef de conseil d’investissement alternatif en tant que gérants dans différentes structures Novalpina au Luxembourg.
Des gérances qui ont tourné massivement cet été avec des entrées et sorties éclair concernant aussi les services de la place luxembourgeoise. Ainsi, la gérance des sociétés de Novalpina est passée de TMF Group et Harper&Pearsons à des employés de Trinova, The Square et Alter Domus.
Futur incertain pour NSO
Ces mouvements tendent à confirmer en partie les témoignages recueillis par la «Financial Times». En effet, le journal avait aussi repris des rumeurs concernant un vote d’investisseurs mécontents à cause du scandale NSO et des disputes entre les fondateurs pour totalement évincer Novalpina, et mandater BRG Asset Management pour vendre les trois firmes au meilleur prix afin de leur retourner l’argent. Pour l’instant, seule la présence des Californiens au Luxembourg est certifiée. Quant à savoir s’ils liquideront toute la structure, il est trop tôt pour le confirmer.
Une solution qui pourrait arranger le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn (LSAP), pour qui les révélations autour de NSO et de la présence au Luxembourg d’une de ses firmes – «Q Cyber Technologies» – qui est utilisée officiellement pour la vente de logiciels, sont devenues embarrassantes. La réponse évasive qu’il vient de donner à une question parlementaire de la députée Nathalie Oberweis (Déi Lénk) en témoigne.