A la surprise générale, la Cour d’appel de Milan a relaxé les dirigeants d’Aveleos, filiale d’Enovos et du groupe russe Renova dans l’énergie photovoltaïque. En première instance, ils avaient été condamnés à de la prison pour fraudes aux subventions au détriment de l’Etat italien.
La décision est tombée le 20 janvier dernier et a fait l’effet d’une bombe: la Cour d’appel de Milan a révoqué les condamnations en première instance du Russe Igor Akhmerov et de l’Italien Marco Giorgi, les deux dirigeants d’Aveleos. Investie dans des participations dans l’énergie photovoltaïque en Italie, la société luxembourgeoise est détenue à hauteur de 59,02% par le groupe énergétique Enovos, le solde du capital étant aux mains d’Avelar, filiale suisse du conglomérat russe Renova de l’oligarque Viktor Vekselberg, un proche de Poutine.
Ni Aveleos, ni Enovos n’ont communiqué cette décision qui leur enlève pourtant une grosse épine du pied. En 2019, quelques jours après le verdict correctionnel en première instance, Enovos s’était félicité dans un communiqué de presse d’avoir été mis hors de cause dans ce que la presse de la Péninsule a présenté comme une des plus grandes escroqueries aux subventions publiques à l’énergie verte jamais découverte. Pour autant, sa filiale n’avait pas été épargnée.
La juridiction d’appel ne s’est pas contentée de blanchir Akhmerov et Giorgi, lesquels avaient été condamnés au printemps 2019 par le premier tribunal à respectivement 4,5 et 3,5 années de prison. La Cour a également révoqué le jugement obligeant Aveleos à indemniser, à titre de provision, le groupe norvégien EAM qui lui avait acheté en 2014 pour 30 millions d’euros une partie de ses installations photovoltaïques. EAM n’avait pas été informé dûment par le vendeur de l’enquête judiciaire en cours qui le visait. Les enquêteurs avaient découvert qu’Aveleos exploitait des panneaux solaires fabriqués en Chine avec un ré-étiquetage frauduleux qui en certifiait l’origine européenne afin de toucher les subventions et bénéficier de tarifs privilégiés de revente d’énergie.
La dissimulation de la toxicité des actifs ainsi mis en vente avait valu à Aveleos d’être condamnée à la réparation des conséquences civiles de sa fraude. Les juges avaient fixé provisoirement à 5 millions d’euros le montant des dommages subis par EAM, en attendant qu’un tribunal civil fixe définitivement le préjudice.
Pourvoi en cassation
La firme norvégienne a alors cherché à récupérer ces 5 millions au Luxembourg, siège d’Aveleos, d’abord via une sommation d’huissier puis à travers une assignation en faillite devant le tribunal de Commerce fin 2020. La tentative a échoué à la mi-janvier, quelques jours avant le verdict de la Cour d’appel italienne. Les juges luxembourgeois ont considéré que les conditions de la cessation de paiement n’étaient pas données pour Aveleos en dépit de ses dettes à moins d’un an de 35 millions d’euros et du refus de l’auditeur EY de certifier ses comptes 2019.
Viktor Jakobsen a évalué son préjudice global entre 100 et 200 millions d’euros. Dans une procédure devant la justice civile italienne, il a également réclamé l’annulation de la vente. Une procédure d’arbitrage a également été initiée. Les affaires sont toujours en cours.
La juridiction pénale a rendu son arrêt le 20 janvier dernier, mais les détails de la décision ne sont pas encore connus. Il faudra attendre encore plusieurs semaines avant que toutes les informations soient communiquées aux parties et que les raisons ayant amené les magistrats à la relaxe des deux principaux prévenus soient révélées.
Partie civile dans la procédure, EAM ne compte pas en rester là. «La décision n’est pas définitive et fera l’objet d’un appel», a déclaré son dirigeant Viktor Jakobsen le jour de l’arrêt.
L’Etat italien, qui a versé des subventions qui n’auraient pas dû l’être et accordé des tarifs préférentiels pour la vente d’énergie solaire, pourrait également être tenté de se pourvoir en cassation.
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