Les médecins libéraux, l’Agence eSanté et la CNS ont renoué le dialogue pour réaliser la digitalisation de la santé. L’interface numérique de l’AMMD est menacée par un système concurrent. D’abord favorable au projet des médecins, la ministre de la Santé les a lâchés.   

Après une brouille sur la digitalisation de la santé qui dure depuis plusieurs mois, les responsables de la Caisse nationale de santé (CNS), de l’Agence eSanté et de l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) se sont enfin reparlé, mais sans résultats tangibles. Le 15 mars dernier, Christian Oberlé, président de l’Agence eSanté (et de la CNS), a pris l’initiative de convoquer une réunion portant sur «la pérennité de la sécurité de la plateforme nationale eSanté» en y associant les médecins.

La relance du processus de digitalisation à l’initiative de Christian Oberlé témoigne de la volonté des ministres LSAP de la Sécurité sociale, Claude Haagen, et de la Santé, Paulette Lenert, de «normaliser» les relations du gouvernement avec le puissant lobby des médecins, à six mois des élections législatives. Pour autant, rien n’est réglé du différend qui oppose les deux camps qui assurent pourtant, chacun de son côté, travailler pour le bien-être des patients. La transformation digitale des soins de santé confronte deux visions peu compatibles entre elles de la médecine libérale, voire mercantiliste, l’autre centralisatrice.

Accusation de «sabotage»

A l’automne 2022, les médecins avaient claqué la porte du conseil de gérance de l’Agence eSanté, en charge du dossier de soins partagé. La dispute portait sur le processus de digitalisation sur fond de divergences sur le partage des données médicales des patients. Depuis lors, la communication avait été rompue, les médecins accusant les responsables de l’agence de «blocages» et même de «sabotage». De son côté, l’AMMD n’a pas ménagé la pression.

Suite à une dénonciation, la justice s’est intéressée à des accusations de conflit d’intérêts visant un des dirigeants de l’Agence eSanté avec une firme informatique qui développe la plateforme: «Les équipes se sentent agressées, mais nous nous faisons violence pour ne pas réagir», explique une source proche de l’agence, qui requiert l’anonymat. L’affaire est toujours en cours et le secret de l’instruction ne permet pas de disposer d’informations supplémentaires.

Les surcoûts issus des contraintes imposées par l’agence d’une part et les retards du déploiement de la solution digitale de l’AMMD suite aux obstacles rencontrés d’autre part, compromettent la survie du projet.“AMMD

Avec le soutien initial du gouvernement qui s’est par la suite défaussé, l’AMMD a développé de concert avec la société «Digital Health Network» (DHN) une solution digitale de santé qui comprend notamment l’application «GesondheetsApp». Le système devait servir d’interface au niveau national entre les médecins, leurs patients et les caisses de santé. Toutefois, la solution, opérationnelle depuis plus d’un an, a du mal à s’imposer dans les cabinets médicaux. La raison tient à l’offre limitée de fonctionnalités de l’outil, malgré son potentiel énorme (notamment les télédiagnostics et les téléconsultations). Seuls les mémoires d’honoraires ne contenant pas de données médicales des patients transitent par la plateforme de l’Agence eSanté via les systèmes DHN.

Les positions irréconciliables sur la sécurité et la propriété des données des patients bloquent le déploiement de la GesondheetsApp, qui tourne en circuit fermé dans un système propriétaire …