L’Union commerciale de la Ville de Luxembourg va redéfinir ses statuts. La révision controversée va permettre à son actuel président de jouer les prolongations, au prix d’une brèche dans la gouvernance d’une organisation plus que centenaire. Des commerçants craignent la résurgence de fantômes du passé.
Les assemblées générales de l’Union commerciale de la ville de Luxembourg sont des passages obligés pour la classe politique qui sert chaque année des discours et des promesses rassurants à l’un des plus puissants lobbies de la capitale. Lex Delles, le ministre DP des Classes moyennes et du Tourisme, est annoncé le 28 juin, date de la prochaine AG à la Chambre de Commerce. La bourgmestre libérale Lydie Polfer ainsi que son échevin CSV Serge Wilmes feront également l’affiche de la soirée annuelle des commerçants de la capitale.
La réunion sera précédée d’une assemblée générale extraordinaire (AGE) qui pourrait expédier en 15 minutes chrono une réforme de l’organisation qui n’a rien d’anodin et qui ressemble à un acte de sauvetage opéré dans la discrétion. En effet, selon l’ordre du jour que Reporter.lu a consulté, la «proposition de changement» soumise au vote devrait permettre à l’UCVL de «garantir la pérennité de (ses) actions». Ses membres ont notamment été appelés à se prononcer à l’avance par procuration sur cette réforme en catimini. Le vote pourra également se faire en direct le 28 juin.
Patriarche à la manoeuvre
Les commerçants devront d’abord se prononcer pour ou contre la rééligibilité des administrateurs. Il s’agit du point principal de la réforme sur la table, mais aussi du plus controversé. Car la révision permettra à l’actuel président de l’UCVL, Guill Kaempff, en poste depuis 2011, de se représenter, ce qui n’est pas sans susciter des réticences chez les commerçants de la capitale. Certains craignent en effet que Guill Kaempff, qui serait le seul candidat à sa propre succession, s’installe durablement à la tête de l’Union commerciale et que les voix des jeunes commerçants soient marginalisées.
Or, les mandats à la tête du conseil d’administration avaient été limités à trois pour éviter que certains commerçants influents y occupent des sièges ad aeternam et incarnent à eux seuls le commerce de la capitale et sa diversité.
«La révision des statuts n’est pas un signe de modernité de l’Union commerciale, car elle va permettre à nouveau des précédents comme celui de l’époque de Josy Welter qui a quasiment eu un mandat à vie», déplore un commerçant sous couvert d’anonymat. «N’y a-t-il pas d’autres candidats que des patriarches? Il y a des jeunes derrière qui sont susceptibles de prendre le mandat de président», poursuit cette souce.
Josy Welter, dirigeant de la graineterie éponyme du centre ville, a présidé l’Union commerciale de 1969 à 1994, après en avoir été le secrétaire général dans les années 1950.
Impact inaperçu
Un autre point de l’AGE soulève également de sérieuses réserves: la suppression de la limitation à une procuration pour le vote aux délibérations de l’assemblée générale. Cette limite était jusqu’alors ancrée dans les statuts de l’Union commerciale dans les années 2010, sous l’impulsion notamment de Michel Rodenbourg, ex-président de l’UCVL et toujours membre du conseil d’administration. «Sous réserve des dispositions de la loi, l’assemblée générale délibère, quel que soit le nombre des membres présents ou représentés en vertu de mandats spéciaux. Chaque membre peut être porteur de plus d’une procuration», indique l’ordre du jour de l’AGE.
«Les modifications des statuts ont été bien emballés. Peu de personnes se sont aperçues de leur impact sur l’organisation», déplore un membre de l’UCVL. Sollicitée par Reporter.lu pour savoir notamment si l’association des commerçants, créée en 1906, s’attendait à des discussions animées autour du changement de ses statuts, sa directrice Anne Darin-Jaulin, n’a pas souhaité répondre à nos questions ni détailler le nombre et l’identité des candidats au conseil d’administration qui se présenteront au vote du 28 juin prochain. «L’UCVL n’a pas de communiqué à faire car nous n’avons pas encore tenu notre Assemblée Générale. Vous pouvez nous contacter après l’AG et nous vous ferons parvenir un communiqué de presse», a-t-elle indiqué.