Le gouvernement a promis de revoir le cadre légal du travail intérimaire pour lutter contre les abus. La crise a fait s’effondrer les effectifs intérimaires et aggravé la précarité des travailleurs. Le ministre du Travail réfléchit à une réforme, sans dévoiler ses plans précis ni en faire une priorité.

Dan Kersch, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie solidaire (LSAP) a engagé les premières discussions avec l’ADEM en vue d’une révision du cadre légal sur le travail intérimaire. La crise sanitaire a remis d’actualité l’idée d’une réforme qui figure dans le programme gouvernemental de la coalition DP, LSAP et Déi Gréng de décembre 2018. Pour autant, les plans du gouvernement ne semblent pas rentrer dans les priorités de la rentrée. L’heure est encore à l’identification des points faibles de la législation.

Sollicité par les députés CSV sur les pistes précises qu’il envisageait, le ministre socialiste se montre avare de détails sur le plan de bataille du gouvernement, si tant est qu’il y en ait un. «La crise actuelle souligne (…) davantage la fragilité de certains salariés dont notamment ceux qui travaillent dans l’intérim, il reste donc primordial de réfléchir sur une adaptation de la législation applicable afin d’éradiquer sinon au moins limiter à un strict minimum la précarité existante», explique Dan Kersch dans une réponse parlementaire.

Ce dernier se garde bien de dire s’il compte toujours ancrer dans la législation les contrats de travail intérimaire à durée indéterminée, comme le laisse entendre le programme de gouvernement, alors que tout le gouvernement doit déjà se battre pour préserver l’emploi et les CDI de milliers de personnes menacées par des fermetures d’entreprises.

Marché secondaire de la précarité

Dan Kersch, en bon gardien des valeurs de la gauche progressiste, ne voit pas l’intérim d’un bon œil. Le travail intérimaire, rappelle-t-il en substance, est certes un tremplin pour augmenter l’employabilité, notamment des jeunes, mais «s’il se répète trop souvent et trop longtemps, peut également conduire à enfermer les individus dans un marché secondaire précaire duquel ils ne parviennent pas à sortir».

Je n’hésiterai pas à faire usage de mon droit de révoquer l’autorisation d’exercer l’activité d’entreprise de travail intérimaire à toute société qui se rendrait coupable de pratiques déloyales et injustes. »Dan Kersch, ministre du Travail, décembre 2019

Les chiffres de l’Inspection générale de la Sécurité Sociale avancés dans le document parlementaire montrent qu’en 2019, 9,5% des personnes ayant eu recours à un contrat d’intérimaire ont été recrutées sous la forme d’un CDD ou d’un CDI par l’entreprise dans laquelle la mission s’était faite. Toutefois, le chiffre baisse pour les jeunes de moins de 25 ans, avec 5,7 % de jeunes résidents seulement qui voient leurs missions de courte durée se transformer en de vrais contrats de travail.

En décembre 2019, le ministre avait envoyé une circulaire aux 53 entreprises intérimaires du pays pour les mettre en garde au sujet des «pratiques douteuses» de certaines: missions écourtées, remises tardives des contrats aux salariés pour échapper au paiement des salaires en cas de maladie, usage abusif des missions d’intérim au-delà des 12 mois réglementaires maximum. Dan Kersch annonçait des contrôles rigoureux pour mettre fin à ces pratiques. «Je n’hésiterai pas à faire usage de mon droit de révoquer l’autorisation d’exercer l’activité d’entreprise de travail intérimaire à toute société qui se rendrait coupable de pratiques déloyales et injustes», écrivait-il.

La crise de la Covid-19 s’est accompagnée d’une chute spectaculaire des effectifs intérimaires: de 9.454 personnes en avril 2019, leur nombre est passé à 4.306 en avril 2020, faisant reculer à 1% la part des intérimaires dans l’emploi salarié (1,9% sur l’ensemble de l’année 2019).

Près des trois quarts des emplois intérimaires sont occupés par des frontaliers, principalement français.