Fiscalité, santé, défense, transports, agriculture et espace: le sommet belgo-luxembourgeois a été l’occasion d’ajuster les différences entre le Grand-Duché et le Royaume. Une avancée concrète concerne la promotion du télétravail indépendamment de la pandémie.

«Je n’en sais pas plus», Josy Arens (CDH – Centre démocrate humaniste) bourgmestre d’Attert qui avait tiré la sonnette d’alarme avant le sommet «Gäichel» parce qu’il craignait des changements dans la répartition de la manne fiscale qui jusqu’ici revenait aux communes frontalières, n’est pourtant pas inquiet outre mesure. «Je suis satisfait du discours du ministre fédéral des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), qui a assuré que le mécanisme resterait», déclare-t-il à Reporter.lu.

Pour Josy Arens, le problème est surtout intra-belge et relié aux différents niveaux de pouvoir: «Au niveau de la Province, il y a toujours des gens qui considèrent que cet argent provenant du fonds Reynders-Juncker serait un cadeau aux communes frontalières avec le Luxembourg. Mais il n’en est rien! C’est une compensation absolument nécessaire: 60 pour cent des habitants travaillent au Luxembourg et y paient leurs impôts.»

Du côté luxembourgeois, le ministère des Finances a juste déclaré ne pas vouloir s’immiscer dans les affaires des voisins: «L’argent sera versé dans le fonds Reynders-Juncker, ce n’est pas à nous de décider à qui il sera reversé», est la réponse qu’a pu obtenir Reporter.lu.

La Belgique désormais championne du télétravail

Le fonds Reynders-Juncker est le résultat d’une particularité belgo-luxembourgeoise, dont les origines remontent à la «compensation Martelange» de 1975 dans le cadre de l’Union Économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) – qui fête son centenaire cette année. Il a été mis en place en 2002 pour contrebalancer le manque à gagner des communes frontalières.

Dans le nouvel accord trouvé entre Pierre Gramegna (DP) et son homologue belge, la contribution devra encore augmenter: elle sera de 48 millions en 2021 et augmentera de 2,4 millions chaque année et cela sur une dizaine d’années. «Une mesure qui nous assure une bonne prévisibilité», s’est félicité le ministre des Finances luxembourgeois lors de la conférence de presse commune.

Et les auto-félicitations ne manquent pas dans la déclaration commune issue du sommet «Gäichel». Une autre avancée concerne le télétravail, promu involontairement par la pandémie. Désormais les frontaliers belges pourront travailler depuis leur domicile 34 jours par an – Covid-19 ou non.

À l’OGBL, qui entretient aussi une section frontalière ensemble avec la Fédération Générale du travail de Belgique (FGTB), la nouvelle a été bien accueillie: «Même si nous n’avons pas été directement impliqués, c’est une revendication que nous avons portée depuis un certain temps», assure Frédéric Krier, membre du bureau exécutif de l’OGBL à Reporter.lu. Surtout que désormais les jours de télétravail en Belgique dépassent de loin ceux des autres pays voisins du Grand-Duché: «En France, nous en sommes à 29 et en Allemagne à 19 par an – si on laisse de côté les exemptions négociées pour faire fonctionner l’économie sous les conditions pandémiques».

Coopération approfondie en matière de défense

Pourtant, pas question de lâcher trop la bride: la déclaration commune des deux gouvernements rappelle aussi «l’importance d’œuvrer ensemble à la conclusion du traité multilatéral relatif à la lutte contre la fraude fiscale» négocié en ce moment au niveau du Benelux. Ce traité devrait permettre des inspections conjointes et des échanges d’informations entre pays plus fluides.

Question fluidité, rien de nouveau dans l’épineux dossier de la ligne ferroviaire Luxembourg-Bruxelles, juste l’assurance que les ministres ont la ferme volonté «d’actualiser prochainement la lettre d’intention ferroviaire belgo-luxembourgeoise en vue d’augmenter et d’améliorer les connexions ferroviaires entre les deux pays.»

Mais ce qui ne fonctionne pas sur les rails peut très bien marcher dans les airs. Ainsi, le sommet «Gäichel» a vu les signatures d’un traité réglant l’exploitation de l’A400M au sein de l’unité binationale de transport aérien, et d’une déclaration d’intention sur la création «d’un bataillon de reconnaissance commun afin d’intensifier encore davantage leur coopération militaire et de contribuer aux exigences accrues de l’OTAN». Ainsi, «l’interopérabilité accrue» entre les forces de défense belges, françaises et luxembourgeoises, que Reporter.lu avait déjà décrite au mois de juin est confirmée de nouveau.

Les dossiers brûlants évacués, le sommet a surtout servi à s’assurer mutuellement du bon voisinage dans tous les domaines. Que ce soit dans l’espace, où une meilleure concertation au sein de l’European Space Agency (ESA) est prévue, dans l’environnement qui prévoit une coopération pour l’établissement du réseau d’hydrogène vert et une collaboration pour le développement d’éoliennes en mer du Nord ou dans la digitalisation qui a débouché sur une concertation pour le déploiement de la 5G – du moins sur le papier.