La pandémie a obligé la CSSF à réaliser les contrôles via vidéoconférence à défaut de pouvoir envoyer ses agents sur site. En 2020, l’autorité a procédé à moins d’inspections mais a infligé davantage de sanctions. Le régulateur garde aussi à l’œil les bonus qui ont tendance à déraper.  

Avec 99% de ses agents en télétravail dès le début de la pandémie, la CSSF n’a pas pour autant lâché prise dans la surveillance du secteur financier, lui-même passé en mode home office et confinement. Le rapport annuel 2020 renseigne sur 121 missions de contrôles sur place. C’est moins que lors du précédent exercice (136 inspections), alors que les agents de son service «On-site Inspection» n’ont jamais été aussi nombreux. Leur effectif a été porté à 80 personnes en charge d’opérer, dixit le rapport annuel, «des investigations poussées qui permettent d’avoir une meilleure compréhension du fonctionnement et des activités des entités surveillées et d’évaluer les risques auxquels elles sont exposées ainsi que leur conformité par rapport à la règlementation».

Il a fallu trouver des modes de fonctionnement alternatifs pour assurer la continuité des contrôles ainsi que leur qualité, alors que se rapproche la mission du Gafi, les experts de l’OCDE qui vont évaluer le sérieux des engagements du Luxembourg en matière de lutte contre l’argent sale.

Flexibilité en temps de crise

La distance a demandé à la CSSF un peu de souplesse vis-à-vis des entreprises tombant sous son autorité: «La CSSF a (…) fait preuve de flexibilité par rapport aux entités surveillées, que ce soit au niveau reporting, de l’usage étendu d’outils informatiques, des exigences de fonds propres, des contraintes opérationnelles, du recours massif au télétravail, des moratoires et autres dispositifs» reconnaît Claude Marx, son directeur général dans la préface du rapport.

Sur les 121 contrôles, 42 concernaient le secteur de la gestion collective. Les 79 autres portaient sur des questions aussi variées que les crédits, le risque opérationnel, la gouvernance, la rémunération, la stratégie commerciale, la lutte contre le blanchiment et la protection des investisseurs.

La commission assure une veille en matière de rémunération dans le secteur financier. Le but est de réguler les bons qui constituent souvent une composante importante des émoluments servis aux banquiers. La part des rémunérations variables s’élevait en moyenne en 2020 à 44% dans les établissements de crédit, contre 38% un an plus tôt. Cette hausse s’explique en partie par la venue d’opérateurs de Londres qui se sont relocalisés au Luxembourg dans le contexte du Brexit.

Les effets de la pandémie et de la crise économique qui a suivi ont d’ailleurs poussé la CSSF à demander aux banquiers de mettre le pied sur le frein des bonus. «La CSSF a fait part de ses attentes à l’égard des établissements de crédit afin qu’ils soient extrêmement modérés en matière de versement de rémunérations variables jusqu’en septembre 2021», signale son rapport 2020.

Les contrôles sur place en matière de gouvernance ont révélé «des faiblesses relatives à la définition, l’approbation et l’implémentation de la politique de rémunération ou des stratégies commerciales», précise le régulateur.

Cinq personnes indésirables

Ce dernier a également identifié lors de ses inspections virtuelles des manquements en lien avec la sous-traitance de services. Le régulateur exige des entreprises règlementées qu’elles maîtrisent le contrôle de leurs sous-traitants et prestataires tiers, ce qui suppose souvent la détention d’une licence de PSF et garantit la confidentialité dans le traitement très sensible des données clients.

La CSSF a infligé l’année dernière un montant total d’amendes de 6,061 millions d’euros et procédé au retrait d’honorabilité de cinq personnes physiques. Le rapport ne mentionne pas leur identité.

En mars 2020, le régulateur avait sanctionné les manquements de la BIL en matière de lutte anti-blanchiment en lui infligeant une amende record de 4,6 millions d’euros. Cette sanction faisait suite à des contrôles sur place intervenus entre octobre 2017 et septembre 2018.

Le rapport annuel de la CSSF fait état de trois autres banques sanctionnées pour différents manquements : violations des obligations professionnelles en matière de blanchiment, d’abus de marché et de banque dépositaire. La main de l’autorité a été moins lourde que pour la BIL, les amendes s’échelonnant entre 41.050 euros et 170.000 euros.

Le décompte 2020 ne tient toutefois pas compte de l’amende de 88.000 que la CSSF a prononcée le 1er juillet dernier contre la banque Quintet (ex-KBL) après une inspection sur site en 2020 qui avait révélé des manquements à la législation sur la fonction de dépositaire.

Le cas de Paul Mousel

Reporter.lu avait révélé au printemps dernier que l’avocat Paul Mousel, cofondateur de l’étude Arendt&Medernach faisait partie du lot des personae non gratae, après sa condamnation en appel pour malversations financières dans la faillite Ardenia. Paul Mousel a en effet fait l’objet en 2020 d’une «mesure administrative» d’interdiction d’exercer des mandats soumis à son autorisation et d’intervenir dans le contexte d’entités régulées soumises à sa surveillance. La mesure s’étend sur une durée de deux ans.

En février et en mai 2020, le régulateur avait communiqué sur les retraits respectifs de l’honorabilité de Marc Ambroisien, l’ex-patron de la banque Rothschild (dix ans d’interdiction) et du Britannique David Mapley, administrateur du fonds LFP1, qui avait menti sur son CV (quatre ans d’interdiction). David Mapley a contesté par ailleurs avoir dissimilé la vérité sur son parcours professionnel.


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