La 12e chambre correctionnelle a rendu son verdict dans l’affaire des écoutes par le Srel de Loris Mariotto, l’homme qui affirmait détenir un enregistrement explosif entre Jean-Claude Juncker et le grand-duc Henri. Les anciens agents du Service de renseignement ont été acquittés.
Le procès des trois anciens membres du Service de renseignement luxembourgeois (Srel) et de son directeur pour écoutes illégales, violation de la règlementation sur la vie privée et détournement d’un enregistrement lui aussi illégal s’est achevé jeudi 25 juin par l’acquittement des trois prévenus. Marco Mille, qui a dirigé le Srel entre 2003 et 2010, Frank Schneider qui était le chef des opérations et André Kemmer, ancien policier passé dans le renseignement sortent blanchis à l’issue d’un procès qui n’a pas connu les développements spectaculaires que le grand public attendait.
Les trois hommes risquaient des inscriptions à leur casier judiciaire pour avoir enregistré à son insu un week-end de janvier 2007, Loris Mariotto, ingénieur informatique autodidacte et patron d’une firme de systèmes de sécurité, avec un téléphone du Srel. Ils cherchaient à connaître le contenu d’un enregistrement crypté supposé entre l’ancien Premier ministre et le chef d’Etat qui avait eu lieu au palais un an plus tôt.
Soupçons sans preuves
Mariotto disait la conversation «explosive» entre Jean-Claude Juncker et le grand-duc Henri. Il avait contacté l’agent Kemmer lui assurant avoir été lui-même approché par des émissaires du palais grand-ducal qui lui auraient remis un CD crypté de la conversation. Mariotto prétendait avoir décrypté le support. Il en a confié une copie à Kemmer, mais le CD était inexploitable par les services techniques du Srel. D’où l’idée de mettre Mariotto sur écoute pour savoir si ses assertions étaient crédibles ou fantaisistes. Toutefois, les écoutes intervenues un week-end n’avaient pas donné de résultats et avaient été abandonnées.
Comme le Code de procédure pénale le prévoyait au moment des faits, la mise sur écoute par le Srel exige le feu vert du Premier ministre qui doit au préalable avoir l’assentiment d’une commission spéciale composée de magistrats. En cas d’urgence, le chef du gouvernement peut toutefois autoriser de sa propre autorité la surveillance des communications. Il ne doit saisir la commission dans l’hypothèse où les écoutes doivent être maintenues. Ce qui en l’occurrence ne fut pas le cas, la surveillance des téléphones de Mariotto ayant cessé à l’issue du week-end.
Mariotto, le grand absent
Les trois prévenus avaient été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir procédé aux écoutes de Mariotto, prétendument sans justification ni autorisation adéquates. Or, l’instruction à l’audience publique a montré que les agents n’avaient pas agi comme des électrons libres, même en l’absence d’autorisation écrite du chef de gouvernement.
Il n’a pas pu être établi à l’exclusion de tout doute que les écoutes étaient illégales de sorte qu’il y a lieu d’acquitter les prévenus»12e chambre du tribunal correctionnel
Marco Mille avait pris soin d’informer Juncker de la surveillance qui allait être menée, à deux reprises par téléphone. Appelé à témoigner à l’audience, le Premier ministre ne se souvenait plus d’avoir donné son accord oral dans le cadre d’une procédure d’urgence.
«Le Premier ministre avait donc ordonné oralement les mesures d’investigation (…) et il était informé des résultats», souligne le jugement de la 12e chambre. «Il n’a (…) pas pu être établi à l’exclusion de tout doute que les écoutes étaient illégales de sorte qu’il y a lieu d’acquitter les prévenus», poursuivent les juges.
Parties civiles dans le procès, Loris Mariotto, son épouse et sa société, ont été déboutés. L’ingénieur par qui le scandale est arrivé a été le grand absent de ce procès. En se portant partie civile, il a ainsi évité d’être cité comme témoin.
Une affaire classée …
Marco Mille et André Kemmer ont également été acquitté de la prévention de détournement d’un enregistrement avec une montre d’une conversation qui avait eu lieu le 31 janvier 2007 entre le Premier ministre et le directeur du Srel. L’enregistrement illégal fait par Mille à l’insu de Juncker portait notamment sur la mise sur écoute de Mariotto. Le directeur du Srel cherchait ainsi à se couvrir en demandant au chef du gouvernement de confirmer qu’il avait bien donné son feu vert à cette surveillance.
Mille et Kemmer avaient conservé chacun une copie de cet entretien après leurs départs respectifs du service de renseignement. L’enregistrement Juncker-Mille avait fait l’objet de fuite dans la presse en 2012 et déclenché l’ouverture en 2013 d’une enquête judiciaire à l’encontre des ex-agents.
Ernest Nilles, le juge d’instruction de l’époque, avait classé le volet des écoutes illégales effectué par Mille avec la montre du Srel dans le bureau du Premier ministre pour une question de prescription. N’avaient survécu de cette affaire inédite d’un directeur de service secret enregistrant un chef de gouvernement que des poursuites pour détournement. Elles n’ont pas résisté à l’examen du tribunal correctionnel.
Le Parquet a 40 jours pour faire appel du jugement du 25 juin.