L’immeuble qui héberge l’Hotel International situé Place de la Gare sera vendu aux enchères à la mi-septembre. La liquidation a d’ores et déjà été ordonnée. L’avenir demeure incertain pour les employés. Récit d’un litige familial et d’une passe d’armes judiciaire.

Les employés du Best Western Hotel International n’en croyaient pas leurs yeux lorsque, il y a trois semaines, un client leur a montré une annonce parue dans la presse luxembourgeoise. Elle faisait référence à la vente ordonnée par un juge d’un bâtiment situé Place de la Gare à Luxembourg. Pourtant, en lisant la description, il s’agissait bien de l’hôtel quatre étoiles dans lequel ils travaillent, certains depuis plusieurs années. L’Hôtel à 63 chambres situé en plein cœur de la gare et juste à côté de l’Hôtel Alfa dont la fermeture-surpise avait été annoncée en mars 2017, sera vendu aux enchères le 18 septembre.

Il y a deux types d’acquéreurs possibles. Si c’est un hôtelier, il pourrait poursuivre l’activité et reprendre une partie du personnel. Si c’est un investisseur, l’immeuble sera rasé. »

“La première réaction, c’était la panique”, confie une personne employée de cet hôtel depuis plus de cinq ans. L’information a vite circulé entre les membres du personnel. Selon les informations de REPORTER, au moins quatre employés ont depuis volontairement quitté l’hôtel, jugeant leur avenir professionnel trop précaire. Les dix-sept salariés encore présents aujourd’hui sont impuissants et vivent des jours incertains. En coulisse, la gérante, âgée de 87 ans, qui a caché ses déboires à ses employés, leur a dit chercher un repreneur qui poursuivra son activité.

Or, nul n’est moins sûr. Car la décision de la vente aux enchères du terrain remonte déjà à début 2017. Depuis, plus de 18 mois sont écoulés et aucun repreneur qui convienne à toutes les parties n’a pu être trouvé. Nul sait qui sera le nouvel acquéreur et ce qu’il compte faire de l’emplacement de l’hôtel, de son activité et du bâtiment lui-même. En tout cas, dans l’annonce publique de la licitation immobilière, le fonds de commerce n’est pas compris dans la vente aux enchères du bâtiment.

L’histoire d’un litige familial

Cela fait 40 ans que la gérante, Marie-Thérèse Klein-Sutor, exploite cet hôtel dans un bâtiment qui appartient à parts égales à elle-même et à sa fille à la suite d’un héritage. Alors qu’elle se charge de la gestion de l’hôtel, sa fille assumait le poste de directrice. De fait, les deux femmes se partagaient l’exploitation du fonds de commerce.

Or, déjà en mars 2011, la fille avait exprimé sa volonté de mettre fin à l’indivision existant entre les deux parties et réclamait ses parts. Elle avait donc notifié à sa mère par voie d’huissier sa décision. Le partage en nature de l’immeuble étant impossible, elle demandait à voir ordonner la licitation de l’immeuble.

L’hôtel Place de la Gare compte 63 chambres. (Foto: Eric Engel)

Le jugement du 31 mai 2013 considérait la demande de la fille recevable et le tribunal demandait un certain nombre de pièces justificatives aux deux parties afin de faire la lumière sur la réalité de l’indivision et de l’exploitation du bâtiment et de l’hôtel. Le 6 mars 2015, le tribunal retenait que la demande de la fille était valable.

Une mère pas prête à abandonner

Dès lors, alors que la fille, qui était directrice, quittait ses fonctions au 1er janvier 2014, Marie-Thérèse Klein-Sutor décidait de faire appel. Elle invoquait une supposée mauvaise foi de sa fille et espérait pouvoir ainsi faire invalider la décision des juges. Le bras de fer continuait.

La gérante ne voulait pas qu’on prenne peur. »

La Cour d’appel, n’ayant pas trouvé d’éléments permettant de conclure de la mauvaise foi de la fille, confirma le jugement sur tous ses points et ordonna en janvier 2017 la licitation de l’immeuble pour cause d’impartageabilité en nature. La fameuse licitation que les employés n’ont découvert que plus d’un an et demi après et qui aura lieu d’ici trois semaines.

Un personnel soudé

Contactées par REPORTER, aucune des deux propriétaires n’a souhaité prendre position par rapport à la vente du bâtiment. En interne, si les employés admettent avoir mal pris que leur gérante leur cache l’avenir de leur hôtel, ils déclarent être solidaires et entretenir de bonnes relations avec Marie-Thérèse Klein-Sutor, qui a sa résidence dans l’hôtel. Elle, qui leur a promis qu’elle ferait tout pour trouver un acheteur qui poursuivrait l’activité d’un hôtel à l’emplacement stratégique.

Dans tous les cas, il incombera à l’acquéreur de décider du sort de l’hôtel. Aux yeux des employés, les finances de l’hôtel partiellement rénové semblent saines.  Une information qui n’est pas vérifiable puisque l’Hotel International n’a pas déposé de comptes au Registre du commerce ces dernières années. D’après les informations de REPORTER, l’hôtel traversait une période plus difficile dû à la conjoncture économique avant le litige familial. C’est depuis 2012, que les affaires auraient repris.

L’Hotel International est d’ailleurs exploité par la gérante en nom propre, qui selon le Registre du commerce dispose du statut de commerçante. Une exploitation en nom propre signifie qu’il n’existe ni de personnalité juridique liée à une personne morale, ni de patrimoine social. C’est l’exploitant lui-même qui est indéfiniment responsable avec ses biens personnels de toutes les dettes et engagements envers des tiers. Soit des salaires de ses employés.

Un terrain de grande valeur

Une source proche du dossier affirme que, dans tous les cas, la société de fait qui existe entre la mère et la fille dispose de suffisamment d’argent pour payer le personnel, y compris pendant une éventuelle période de préavis, et que cela est dans tous les cas la volonté de la gérante. Cette source indique que plusieurs repreneurs potentiels se sont déjà manifestés. Une vente forcée et opérée via la vente aux enchères planifiée pour le 18 septembre pourrait même être évitée, si les deux propriétaires se mettaient d’accord pour vendre l’immeuble à une personne intéressée. Encore faudrait-il alors trouver un accord sur le prix de vente de l’immeuble … et celui du fonds de commerce.

« Il y a deux types d’acquéreurs possibles. Si c’est un hôtelier, il pourrait poursuivre l’activité et reprendre une partie du personnel. Si c’est un investisseur, l’immeuble sera rasé », explique cette source qui préfère garder l’anonymat.

En effet, la valeur de ce terrain situé en plein coeur de la Place de la Gare et d’une contenance de près de six ares, n’est pas à sous-estimer. Dans les deux cas, la société de fait entre les deux propriétaires sera liquidée. La liquidation avait d’ores et déjà été ordonnée par le Tribunal en mars 2015 et un liquidateur désigné.

D’un point de vue entrepreneurial, les hôtels sont complètement indépendants de la marque.»Porte-parole de Best Western

Le personnel, pour sa part, se dit soudé. “La gérante ne voulait pas qu’on prenne peur”, chuchote une deuxième employée de l’hôtel interrogée par REPORTER. Et de poursuivre: « On est dans le flou mais on ne peut rien faire. On essaye de positiver et on espère qu’on sera repris. On va travailler jusqu’au bout.”

Et les clients de l’hôtel … ?

Les représentants de la marque Best Western à laquelle est affiliée l’hôtel indiquent ne pas avoir connaissance de la vente aux enchères de l’hôtel à la gare. «D’un point de vue entrepreneurial, les hôtels sont complètement indépendants de la marque», expliquait une porte-parole à la demande de REPORTER. A première vue, aucune résiliation du contrat avec la marque Best Western ne lui était connue.

Sur le site Booking.com, l’hôtel qui dispose d’un rating de 7,6 sur 10 continue à proposer des chambres à la réservation bien au-delà de la date butoire du 18 septembre. Le site indiquait même que l’Hotel International avait été réservé cinq fois endéans les six heures qui précédaient la finalisation de cet article.