Sept ans après sa suppression par l’ex-ministre Maggy Nagel, une cellule d’études et de statistiques vient de réintégrer l’organigramme du ministère de la Culture. Sa feuille de route est compliquée par un retard à l’allumage et par la pandémie.

Mieux vaut tard que jamais? La ministre de la Culture, Sam Tanson, a lancé au mois de juin dernier avec le Liser (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research), une étude pour «identifier d’éventuelles barrières, besoins ou difficultés qui empêcheraient une partie de la population de se rendre dans les institutions muséales du pays». Il s’agit du premier volet d’une série d’études qui cibleront différents domaines culturels.

Une grande étude multisectorielle aurait dû avoir lieu en 2019, dans la lignée de celles de 1999 et 2009. Un budget de 371.000 euros y était affecté. D’après nos informations, tout était prêt du côté du Liser pour la lancer. Or le feu vert, qui aurait dû intervenir en 2018, sur fond de finalisation du Plan de développement culturel et d’élections législatives nationales, n’est pas venu.

L’adoption du Plan de développement culturel (Kep) à l’automne 2018 et les nouvelles priorités de la ministre Sam Tanson en 2019 ont modifié l’agenda. À partir de mars 2020, la pandémie a rendu impossible la réalisation des entretiens en face à face pour mener l’étude. Il a fallu se rabattre sur des questionnaires envoyés par internet. Leur durée ne pouvant pas excéder 20 minutes, il a été décidé de mener des enquêtes sectorielles.

«On ne pourra pas aller très loin dans les comparaisons car les deux modes d’enquête sont très différents», observe Monique Borsenberger, chercheuse au Liser et co-réalisatrice des deux précédentes études. Elle estime néanmoins que «compte-tenu des circonstances, c’est la moins mauvaise solution». Elle espère obtenir 2000 réponses sur les 20.000 questionnaires envoyés à un échantillon représentatif de la population.

Un arbitrage entre coût et pertinence

Les résultats de cette première étude devraient être disponibles au premier semestre 2022. Ils viendront alimenter la nouvelle Cellule d’études et de statistiques du ministère de la Culture, opérationnelle depuis mars 2021 après sept années sans pilotage centralisé des (rares) études réalisées. Sa création figurait au point 11 du Kep, sous le chapitre de la gouvernance.

En 2014, la cellule statistique avait été sacrifiée sur l’autel de la politique de réduction des dépenses de la ministre Maggy Nagel. L’expert Philippe Robin, qui y oeuvrait depuis 11 ans, avait été sèchement remercié – il travaille désormais comme consultant indépendant, notamment pour Esch 2022.

La collecte et l’analyse des statistiques culturelles avait à l’époque été confiée au Statec. Il faudra attendre 2016 pour que l’unité en charge de la production des comptes de la Culture y soit opérationnelle. Mais celle-ci a un périmètre limité, essentiellement focalisé sur le poids économique et l’emploi de la Culture. Autre problème: les résultats sont présentés deux ans après la collecte des données. Enfin, le Statec n’est pas en mesure de faire des études «spatialisées», c’est-à-dire des focus sur des territoires particuliers, comme celui de Esch 2022 par exemple.

Le nouveau responsable de la cellule statistique du ministère, Serge Eifes, est un statisticien qui a fait la plus grande partie de sa carrière dans les domaines de la biomédecine et des biotechnologies. Autant dire qu’il lui faudra un certain temps pour se familiariser avec son domaine et se former à l’administration publique. A terme, il sera l’interface entre les différents fournisseurs d’études ou statistiques culturelles nécessaires pour accompagner le processus législatif ou le fonctionnement du ministère de la Culture.

«La première étape va consister à faire le tri entre ce qu’il est pertinent ou non de mener comme études statistiques, compte-tenu de leur coût et des biais induits par la taille réduite du pays et de la population», observe le Premier conseiller du ministère, Jo Kox. Il indique que l’actuel projet de réforme du statut des artistes et intermittents du spectacle fait partie des priorités.

Quant à d’éventuelles mesures d’impact de l’offre culturelle au niveau national, «c’est encore de la Zukunftsmusik. On ne peut pas révolutionner le monde en trois mois. On a tellement de chantiers !», dit-il. Pour l’instant, l’accent est donc mis sur les «synergies» avec Esch 2022.