Dix-sept jours après une audience de plaidoirie qui avait occupé sa matinée, Marc Sunnen, le président du tribunal administratif a rendu une décision préliminaire dans le litige qui oppose une filiale luxembourgeoise du géant du commerce en ligne «Amazon» à la Commission nationale pour la protection des données (CNPD). Vendredi dernier, le magistrat a ordonné la suspension des mesures que l’autorité avait imposées à «Amazon Europe Core» (AEC) le 15 juillet dernier pour corriger des pratiques de ciblages publicitaires violant à ses yeux la réglementation sur la protection des données.
La mesure la plus spectaculaire de la CNPD fut l’amende record de 746 millions d’euros, assortie d’une astreinte de 746.000 euros par jour de retard si la multinationale ne se conformait pas à compter du 15 janvier 2022 à ses injonctions.
Amazon avait aussitôt contesté la légalité et la proportionnalité de la sanction devant la juridiction administrative, ce qui a eu pour effet de suspendre les effets de la décision ainsi que sa publication sur le site Internet de la CNPD. Ce n’est à la faveur de la publication des comptes annuels du groupe américain que l’amende et son montant inédit ont été révélés.
Lors des plaidoiries du 3 décembre, les avocats d’AEC avaient fait valoir le risque d’un préjudice grave et irréparable, condition sine qua non pour obtenir un sursis, si l’entreprise devait se conformer aux injonctions de la CNPD. Celle-ci veut notamment imposer un traitement de données publicitaires sur la base du consentement des clients et des visiteurs de sa plateforme de commerce en ligne. Or, AEC se base sur l’intérêt légitime pour le traitement des données publicitaires. Un changement de procédure d’ici le 15 janvier prochain risquerait de lui causer un préjudice «matériel et immatériel conséquent» (mais pas quantifiable à ce stade de la procédure) si la société obtenait gain de cause dans ses recours au fond contre la CNPD.
Le président du tribunal administratif a estimé dans son ordonnance que les injonctions adressées par la Commission sous peine d’astreinte pour se mettre en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) n’avaient pas été «formulées en des termes clairs, précis et exempts d’incertitudes». Ce flou ne permettait pas à Amazon de procéder aux ajustements demandés dans les délais impartis, soit avant le 15 janvier prochain.
Dans un communiqué, l’administration judiciaire précise que la question de l’amende de 746 millions d’euros en son principe et son montant n’a pas été abordée dans la procédure en référé. Ce volet sera traité ultérieurement. Compte tenu de l’encombrement du tribunal administratif, l’affaire ne sera pas examinée avant la fin de l’année 2022. (VP)