Le fisc a débusqué un nouveau levier d’optimisation des hauts salaires. Une firme d’audit a dévoyé la loi sur la retenue à la source des produits d’épargne pour réduire le taux d’imposition de ses associés. Un litige est en cours pour récupérer le manque à gagner.
Les privilèges fiscaux sur les gros revenus du travail s’étiolent peu à peu sous l’aiguillon de l’Administration des contributions directes qui fait la chasse aux abus. La cinquantaine d’associés du cabinet Deloitte, 2.500 employés au Luxembourg, ont fait les frais de cette volonté de normalisation des autorités afin de remettre un peu d’égalité entre les contribuables, qu’ils soient riches, célèbres, influents ou non. Les «Big 4», terme désignant les quatre grandes firmes d’audit (Deloitte, PwC, EY et KPMG), ont mis en place un mécanisme sophistiqué ayant permis de réduire considérablement le taux d’imposition sur le revenu de ses dirigeants.
Les cabinets, qui emploient des milliers de personnes et servent des rémunérations sans précédent (principalement à leurs dirigeants), sont engagés dans une course à la défiscalisation des revenus sous prétexte d’attirer des profils haut de gamme au Luxembourg, destination qui fait moins rêver que Londres ou Paris. Les démarches pour diminuer la charge fiscale pesant sur les rémunérations des dirigeants prennent différentes formes. La formule la plus courante s’appuie sur les «plans warrants», qui consiste à mettre à disposition des salariés un programme d’option sur titres ou stock-options, faiblement imposé. D’autres outils de rémunération «à la carte» ont été mis sur pied par les entreprises pour améliorer l’ordinaire de certains salariés, comme les assurances pension complémentaire ou les programmes obligataires.
Le système identifié par les agents du fisc s’est appuyé sur la loi modifiée de 2005 sur la retenue à la source libératoire des intérêts de l’épargne (dite «loi Relibi»). Au lieu d’être taxés, par voie d’assiette, au taux d’impôt maximal sur le revenu de 42% (à partir d’une tranche de revenus annuels de 200.004 euros), ses bénéficiaires ont réduit de plus de moitié le prélèvement fiscal, la retenue sur les produits de l’épargne étant de 20%.
Un dévoiement généralisé
Deloitte n’est pas la seule entreprise de sa catégorie à avoir en quelque sorte dévoyé la «loi Relibi», à tout le moins son esprit, en transformant un mécanisme créé initialement au service de l’épargne populaire en instrument d’optimisation fiscale destiné à l’élite de la place financière. Selon les informations de Reporter.lu, PwC et KPMG ont également exploité le «filon Relibi» pour leurs associés.
Mis en place en 2006 par le ministre du Trésor et du Budget de l’époque, Luc Frieden (CSV), le régime «Relibi» fut avant tout destiné à sauver le secret bancaire à la fois pour les résidents et les non-résidents. A l’heure actuelle, la «loi Relibi» n’est plus applicable qu’aux résidents. De 10%, son taux est passé à 20% suite à la réforme fiscale de 2017, signée Pierre Gramegna, ministre des Finances DP.
La souscription est impérative. C’est une condition sine qua non pour devenir un ‘equity partner’. En signant son contrat d’association, on s’engage à financer le fonds de roulement pour que l’entreprise fonctionne bien. »Un ancien associé de Deloitte
La retenue est libératoire, c’est-à-dire qu’elle vaut imposition définitive. Par dérogation au régime d’imposition commun, les intérêts soumis à la retenue n’entrent plus dans l’assiette des revenus du contribuable. Ils n’ont pas à les déclarer. Il appartient à «l’agent payeur», souvent une banque, de prélever la taxe pour ensuite la redistribuer à l’Administration des contributions directes …
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