Le régulateur de l’audiovisuel hausse le ton à l’encontre de la chaîne Libido TV qui diffuse sans autorisation ses programmes pornographiques sur satellite. Une amende maximale de 25.000 euros lui a été infligée. Mais le groupe est en faillite. Les autorités marchent sur des oeufs.

En dépit des multiples rappels qui lui ont été adressés pour se mettre en ordre, le service de télévision par satellite Libido continue de diffuser ses programmes pornographiques en toute illégalité. Et ce depuis un an et demi. Une situation irrégulière qui a obligé l’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (ALIA) à sanctionner l’exploitant de la concession, Groupe 555 du magnat français du film X, Christian Bertoli.

Dans un communiqué publié vendredi par le Service information et presse du gouvernement, l’ALIA fait savoir qu’elle avait condamné le fournisseur au paiement d’une amende de 25.000 euros «pour avoir enfreint de manière manifeste, grave et sérieuse» les dispositions de la loi modifiée de 1991 sur les médias électroniques. La décision remonte au 31 mai dernier et fait suite à une série d’échanges et d’auditions entre les dirigeants de l’ALIA et l’avocat de Groupe 555.

Accordée en 2012 sous le gouvernement CSV-LSAP, la concession de Libido a expiré le 31 décembre 2019, mais ses programmes exclusivement «pour adultes» continuent à être retransmis sur les satellites de la SES.

Une référence dans l’industrie du X

La chaîne a connu ses heures de gloire au début de la décennie 2010. Libido était en effet présentée comme la «petite chaîne qui démonte» dans les milieux du film X. Son dirigeant Christian Bertoli avait recruté des vedettes du genre pour alimenter les programmes de la chaîne, notamment la star italienne du genre, Rocco Siffredi, connu pour tourner des films violents et «athlétiques». Les films de Siffredi restent une référence mondiale dans l’industrie du sexe et du libertinage.

Libido est l’unique chaîne pornographique portant un label luxembourgeois, un genre télévisuel que le gouvernement luxembourgeois ne souhaite plus mettre en avant sur son tableau de chasse audiovisuel.

En février 2020, Groupe 555 s’est adressé au Service des médias et des communications, qui dépend du ministère d’Etat, pour obtenir le renouvellement de sa licence. Mais son dossier incomplet a été renvoyé au demandeur. En décembre 2020, le fournisseur s’est adressé à l’ALIA, qui n’est pas l’autorité compétente et qui a renvoyé la balle au SMC de Xavier Bettel. Les services du Premier ministre ont ensuite traîné les pieds pour donner suite à la demande de Libido.

Une faillite bien opportune

Il était clair que le SMC ne souhaitait pas donner une suite favorable au dossier, mais manquait d’arguments juridiques pour opposer un refus formel à l’exploitant, qui continue la diffusion de son programme en dépit de l’illégalité de sa situation.

Outre son absence de licence valable, Libido est en défaut de paiement à l’ALIA de ses taxes de diffusion.

L’ALIA a lancé de nombreuses mises en garde à Groupe 555 avant de sévir. La société avait envoyé son avocat plaider sa cause – et sa bonne foi – et promettre de se mettre en conformité avec la loi sur les médias. Un ultimatum fut donné à l’exploitant jusqu’au 19 avril 2021, mais dans l’intervalle Groupe 555 fut assigné en faillite (pour des impayés de taxes). Le jugement de faillite est intervenu assez opportunément le 4 avril, quelques jours avant l’ultimatum.

Selon le dossier communiqué par l’ALIA, l’avocat de Libido, Me Theisen, a assuré le 19 mai dans une communication à l’autorité de l’audiovisuel que la faillite avait été annulée. Or, ce fait n’est pas documenté par le registre de commerce et des sociétés qui mentionne toujours Groupe 555 en état de faillite.

Le 31 mai, le conseil de l’ALIA s’est réuni au complet et a décidé de sanctionner Libido TV en lui infligeant l’amende de 25.000 euros, montant maximum que l’autorité peut imposer à un fournisseur en infraction. Le montant pourrait être doublé en cas de récidive.

«Cette décision, note le communiqué de l’ALIA, marque la volonté ferme du régulateur de garantir une application cohérente des dispositions de la loi sur les médias en s’assurant que tous les fournisseurs de services de médias soient soumis aux mêmes obligations».

La prochaine étape pourrait consister dans l’interdiction d’émettre de Libido TV, ce qui serait une première dans l’histoire audiovisuelle luxembourgeoise.


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