L’enquête judiciaire visant le groupe immobilier Cenaro est menée au pas de charge. En six mois, 150 perquisitions ont été ordonnées. Deux dirigeants ont été placés en détention. Le point sur le scandale immobilier qui fait trembler le monde financier.

Christophe Chevallier et Arnaud Emmenecker, fondateurs du groupe immobilier «Cenaro», en faillite, voyaient grand. Ils dépensaient sans compter l’argent des investisseurs et celui des acquéreurs de logements sur plan dont certains resteront à jamais à l’état de plans. Les passages chez le coiffeur, dans les boutiques d’habillement et les magasins de jouets, les virées dans les bars et les parcs d’attractions faisaient chauffer les cartes de crédit des deux hommes sur leurs sociétés jusqu’à leur plafond de 15.000 euros par mois.

Arnaud Emmenecker à lui seul totalise, entre novembre 2020 et janvier 2023, 543.121 euros de dépenses – pour l’essentiel d’ordre privé – sur la Mastercard de sa société de consultance «Solnadika», qui a joué un rôle clé dans la collecte de fonds auprès des investisseurs. Ces dépenses ont soulevé les doutes de la Cellule de renseignement financier.

La folie des grandeurs

Les dirigeants de Cenaro étaient moins prompts à sortir de l’argent pour construire les logements, comme ils le devaient, et payer leurs fournisseurs et prestataires. «Ils voulaient avoir une société par activité et (…) beaucoup d’activité. Ils voulaient avoir du Cenaro sur tout et partout, aussi à l’international. Ils avaient la folie des grandeurs», a lâché un de leurs ex-avocats devant les policiers.

Ouverte en janvier dernier pour, entre autres, abus de confiance, escroquerie, abus de biens sociaux et blanchiment, l’enquête judiciaire a mis un terme au train de vie fastueux de Christophe Chevallier et Arnaud Emmenecker. Les deux principaux suspects de l’affaire Cenaro ont laissé derrière eux un champ de désolation: personnel au chômage, fournisseurs impayés, chantiers inachevés ou même pas commencés, acquéreurs des biens en vente en état futur d’achèvement désemparés et investisseurs des émissions d’obligations désespérés de ne pas recouvrer leur mise.

Ils s’en foutaient des gens qui ont acheté des biens immobiliers (…). »Une ex-directrice de Cenaro lors de son interrogatoire

La justice soupçonne un système de cavalerie financière. Selon les informations de Reporter.lu, les enquêteurs ont identifié 33 émissions obligataires pour un montant de 164,3 millions d’euros lancées entre juin 2019 et mars 2022 par le groupe immobilier. Les fonds devaient financer les achats de terrains pour y développer ensuite des logements, financés, eux, par les apports des acquéreurs en fonction de l’avancée des travaux.

Près de 15 millions d’euros répartis sur 48 comptes en banque, principalement auprès de la «Banque J. Safra Sarasin Luxembourg», sont partis en Suisse et à Dubaï dans des commissions d’intermédiaires proches de Chevallier …