Aux termes d’un interrogatoire de trois heures, Jean Bourg, un des héritiers du fondateur de La Revue, a été inculpé, entre autres d’abus de biens sociaux. Il est soupçonné d’avoir pris le contrôle de deux immeubles à la Gare au détriment de ses deux nièces. Le différend familial remonte à 30 ans.

Après moultes tergiversations de la justice, Jean Bourg, 80 ans, a été inculpé le 5 juillet dernier par une juge d’instruction dans une affaire d’appropriation du patrimoine immobilier hérité de son père, l’industriel et patron de presse Francis Bourg. Ce dernier avait eu trois enfants. Les chefs d’inculpation retenus à l’encontre de Jean Bourg sont nombreux: abus de biens sociaux, faux, banqueroute frauduleuse, blanchiment et recel. L’interrogatoire de l’octogénaire a duré trois heures durant lesquelles il s’est défendu des accusations de malversation dans un dossier qui l’oppose à ses deux nièces depuis 30 ans. L’enjeu porte sur le partage de deux immeubles du quartier de la Gare valorisés à 8 millions d’euros. Jean Bourg se les serait appropriés à travers des montages juridiques particulièrement complexes.

La saga familiale autour de l’ancien siège de l’imprimerie Bourg-Bourger et de l’hebdomadaire La Revue, avenue de la Gare, a connu un rebondissement que certains de ses héritiers attendaient depuis trois décennies. Les premières assignations remontent en effet aux années 1990.

Plainte pour abus de biens sociaux

En 2014, le litige avait pris une dimension pénale après une plainte pour abus de biens sociaux engagée contre Jean Bourg pour une série d’opérations financières lui ayant permis de prendre le contrôle d’une société immobilière détenant les immeubles de l’avenue de la Gare. Jean Bourg avait été chargé de la gestion du patrimoine familial mais ses co-héritiers l’ont rapidement suspecté d’avoir servi ses propres intérêts à leurs dépens. Aussi fut-il écarté de la gestion. Un administrateur judiciaire des biens fut nommé à la demande de ses deux nièces. A ce stade, les indélicatesses de l’oncle, qui n’étaient alors que de vagues soupçons, furent clairement identifiées.

Une enquête patrimoniale ordonnée dans le cadre de l’instruction judiciaire avait permis de découvrir des flux d’argent suspects vers des sociétés en Espagne dont l’octogénaire était l’unique bénéficiaire économique. Ses comptes et avoirs personnels en banque au Luxembourg furent saisis ainsi que la comptabilité des sociétés immobilières. Le domicile de Jean Bourg fut perquisitionné dans des conditions assez pittoresques.

Résistance physique

Lors de son interrogatoire devant le juge, le vieil homme a d’ailleurs reconnu avoir opposé, avec sa femme, une résistance physique aux policiers alors venus les perquisitionner. Il a justifié ce geste en raison du manque de respect que les policiers lui auraient marqué.

L’inculpation de Jean Bourg avait été requise par le Parquet en décembre 2019, mais en raison de la crise sanitaire, sa comparution devant la juge d’instruction dut être reportée et attendre plus de 18 mois avant de se concrétiser. Le dossier d’instruction fort de 3.000 pages semble désormais dans une phase finale pour un éventuel renvoi de l’affaire vers un tribunal correctionnel.

Des procédures civiles sont toujours en cours pour la restitution des deux immeubles de l’avenue de la Gare, dont l’un avait été loué à l’enseigne de vêtements Cool Cat. Les lieux, dans un mauvais état, sont aujourd’hui privés de locataires. Les candidats hésitent a signer des baux commerciaux pour un bien qui est au cœur d’un litige familial.

Contacté par Reporter.lu, Me Michel Karp, l’avocat de Jean Bourg, indique que son client conteste les chefs d’inculpation, les faits qui lui sont reprochés ainsi que la qualité de l’enquête judiciaire. Il en dénonce également les lenteurs. «Maintenant que M. Bourg est inculpé, nous avons accès au dossier d’instruction qui est énorme. Mon client conteste le travail d’investigation et le raisonnement des policiers qui n’ont pas de qualifications comptables», fait valoir l’avocat. «Je vais demander à ce que Jean Bourg s’explique une nouvelle fois devant la juge d’instruction», ajoute-t-il.


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