Quelque 600 dossiers ont été examinés par un Comité de lecture après l’appel à projets pour la Capitale européenne de la Culture Esch 2022. La composition du comité et son mode de fonctionnement soulèvent des questions.

«Cela a représenté un énorme travail. J’ai passé des week-end et des soirées à lire. 600 dossiers, entre 30 minutes et deux heures par dossier, ce n’est pas rien. Et tout cela à titre bénévole!» La directrice de l’Asti, Laura Zuccoli, a fait partie du Comité de lecture créé pour donner son avis sur les dossiers ayant répondu à l’appel à projets pour la future Capitale européenne de la Culture. Une expérience qu’elle ne regrette pas. «J’ai accepté cette mission car je voulais que la multiculturalité et le transfrontalier soient présents. L’idée d’une manifestation comme celle-là, c’est favoriser le vivre ensemble», témoigne-t-elle.

La directrice générale de Esch 2022, Nancy Braun, revendique l’idée de la création de ce Comité de lecture. «À l’époque de Luxembourg 2007, il n’y en avait pas. Qui a décidé sur les projets à mettre en oeuvre? Le directeur général du ministère de la Culture Guy Dockendorf, le directeur général de l’asbl Robert Garcia, moi-même en tant qu’adjointe, et Steph Meyers pour la programmation. C’est tout».

Cette fois, 11 personnes, nommées par le Conseil d’administration (CA), ont siégé à 11 reprises pour venir à bout des 600 dossiers. Rappelons que d’après les dernières informations communiquées, seuls 31 ont été à ce jour validés, 176 étaient à revoir et 342 ont été rejetés. Une lenteur de procédure qui prête à polémiques.

«De fortes personnalités»

Le CA a délégué quatre de ses membres au Comité de lecture: deux représentantes du ministère de la Culture (Danièle Kohn-Stoffels, présidente du Comité, et Barbara Zeches), un représentant de l’Inspection des Finances (Jean-Marie Haensel) et l’ancien directeur général de Luxembourg 2007, Robert Garcia. Le Comité comprenait logiquement la directrice générale de l’asbl, Nancy Braun, et le directeur artistique Christian Mosar auquel a succédé la directrice de la programmation, Françoise Poos. La ville d’Esch y était représentée par son architecte-directeur, Jean Goedert. Les milieux économiques et créatifs avaient pour eux la voix de Tania Brugnoni, du Centre 1535° de Differdange ainsi que de Sasha Baillie, de Luxinnovation. Gérard Muller pour le Service National de la Jeunesse et Laura Zuccoli ont complété le panel.

La représentante de l’Asti observe que ce Comité était composé de «fortes personnalités» et que «chacun donnait son avis». D’après elle, «personne ne menait la barque». Elle reconnaît néanmoins que «certains étaient moins présents que d’autres aux réunions du Comité. En particulier du fait du Covid, ils avaient d’autres priorités». Elle-même dit ne pas avoir pu participer à l’intégralité de toutes les réunions.

L’ancien directeur général de Luxembourg 2007, Robert Garcia, a joué un rôle non négligeable. «Il n’est pas inintéressant d’avoir des gens qui ont cette expérience, qui peuvent en particulier apprécier la corrélation entre un projet et un budget», dit Laura Zuccoli. Mais elle observe le conflit d’intérêt que pouvait représenter le fait d’être à la fois impliqué dans des projets, membre du Comité de lecture et du Conseil d’administration, lequel a le dernier mot pour la validation. «Personnellement, cela m’a gêné», dit-elle.

Garde-fous

L’ancien député et conseiller communal de Dudelange fait partie du groupe de travail du projet de l’Unesco Man & Biosphère, associé au projet Minett Trail. Il est également secrétaire de l’asbl Industrie Kultur – Centre National de la Culture Industrielle, très engagé sur les projets liés à la sauvegarde du patrimoine industriel.

«Lorsqu’il y avait conflit d’intérêt, les personnes ne participaient pas aux discussions»,  témoigne Barbara Zeches. D’après elle, le mode de délibération offrait également d’autres garde-fous. Tous les projets ont été passés en revue par tous les membres du comité. Chacun n’analysait que les réponses aux questions relevant de son domaine de compétence (dimension européenne, adéquation avec la thématique Remix, public cible, financement, durabilité). Chaque domaine de compétence était couvert par trois personnes. On peut remarquer que la présence de Danièle Kohn-Stoffels, qui siège au Conseil d’administration de la Kultufabrik, n’a pas empêché cette institution de devoir retirer ses deux projets, faute d’avoir eu une réponse favorable à temps.

Cette procédure, lourde, a démarré en octobre pour s’achever en juin. «Il était important de ne pas se précipiter. Il y a énormément d’argent public en jeu», se défend la directrice générale, Nancy Braun, face aux porteurs de projets qui n’ont toujours pas de réponse définitive, près d’un an après avoir transmis leur dossier. Les derniers arbitrages se font désormais au niveau du Conseil d’administration pour l’attribution des budgets.


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